Sculpture monumentale et métallique, Métro Saxe-Gambetta, Lyon.
Heuristique & Sémiologique
Enchevêtrements et entrelacs, complexité.
La “percolation” est-elle une métaphore autorisée pour évoquer la “transmission” ?
La métaphore, figure de rhétorique, nous intéresse ici comme se référant au mot, elle est extension ou glissement du sens des mots, elle intervient dans le lexique comme un substitut ou une illustration. L’immense majorité des termes techniques et scientifiques se fondent sur des langues vulgaires le latin, le grec et leur lexique, Archimède, Thalès, Platon… les rhéteurs romains, Pascal, les textes religieux fondateurs….. et Diderot les ont fort bien utilisés. Quand nous disons “arbre”; que nous soyons, généalogistes, agriculteurs, informaticiens, mécaniciens, théologiens, forestiers, moralistes… nous savons de quoi nous parlons, il n’y a pas usurpation, détournement mais usage d’une image qui reste une image qui se fonde sur une analogie, une ressemblance, une allusion sans transfert, ni distorsion de sens. “L’Homme est un roseau pensant”, Pascal ne tombe ni dans le “scientisme” ni dans le “littérarisme”, selon les expressions de Jacques Bouveresse qui enfourche le cheval de Sokal, D’aucuns ont reproché à Deleuze l’usage abusif de “rhizome” ils ont bien tort et défendent bien mal leur pré-carré, que je sache personne n’y cherchera le bambou et le chiendent ! ! par contre beaucoup ont appris les différences entre la genése linéaire avec ses risques de rupture, et le développement rhizomatique et son aptitude au contournement stratégique (tel le Phenix qui renait de ses cendres et qui en plus est mythique!) Et le texte, tissu de chaîne et trame, syntagme et paradigme, de rigueur canonique et d’imaginaire.
Bref soyons sérieux ! la métaphore est un instrument indispensable pour les analyses scientifiques. Mais elle implique un usage réflexif qui en précise le statut car celui-ci peut être divers (pédagogique, iconique, heuristique ou modélisateur)De simple figure de langage elle peut passer insensiblement au statut de paradigme. Simple image la métaphore peut accéder insidieusement, subrepticement au statut de concept pourquoi pas, mais il faut savoir que cette ingérence n’est pas neutre elle peut distordre la théorie, la réflexion ainsi que diverses pratiques de la communication. Il nous faut noter ici le rôle heuristique de la métaphore, aujourd’hui. les développements de la physique, par exemple dans les domaines des fractales ou de la percolation, ouvrent des perspectives nouvelles et prometteuses. Cette évolution montre aussi que les chercheurs en sciences sociales auraient intérêt à renouveler les métaphores qu’ils emploient et qui sont parfois archaïques .La métaphore est un outil qui ne doit pas être confondu avec son objet; elle relève du langage et de la communication. Elle désigne, illustre, modélise et parfois elle catalyse la création mais Il est, alors, nécessaire de distinguer les propriétés, les attributs du phénomène et de faire la part du caractéristique et non-transférable de sa métaphore.
De la poutre maîtresse au chevêtre, du linéaire au réticulaire, du simplex au complexe.
La complexité caractérise un état, un système, dont le nombre des éléments et celui des liaisons en interactions est immensément grand ou inaccessible. Nos objets sont généralement de tels systèmes, le plus souvent variables avec le temps ou l’espace des sujets qui en parlent. Ainsi de n’importe quelle chose du monde, ainsi des systèmes du monde, ainsi d’un lieu quelconque du savoir, ainsi d’un chapitre de l’encyclopédie et du langage, ainsi de nos groupes et des sociétés, ainsi de l’économie, ainsi de cette multiplicité spatio-temporelle en transformation, de nos techniques et technologies et de ce qui est, sans doute, la plus fortement complexe, qu’on appelle l’histoire.
A l’époque où le savoir est encore assez simple et où, surtout, il se propose le travail de simplification, Leibniz, déjà, rencontre la question de la complexité. Au milieu de l’âge classique, il en est le premier philosophe et le premier linguiste Son système est construit par monades et multiplicités, par implications et explications, au moyen d’un art combinatoire qu’il nomme l’art des complexions, et au moyen d’une multiplicité d’unités sans portes ni fenêtres, elles-mêmes complexes. Il accomplit ainsi la variation réglée la plus large et la plus complète possible de l’un au divers, du principe d’identité à celui des indiscernables. Sa philosophie du multiple dessine les scénographies et projette l’inaccessible cadastre des chemins praticables entre l’unique inimitable et l’infinie variété des différences, du pico au téra, de l’infra au supra. C’est ainsi qu’auprès de Leibniz, en méditant ses inventions, autant voire plus, que son métalangage, on apprend à construire le modèle en réseau. Un réseau est précisément la graphie d’un système complexe. Il trace l’ensemble des liaisons ou interactions entre les éléments d’un système,.
Et nous sommes plongés dans le tissu enchevêtré du réseau. La métaphysique en clôt la connaissance, et intègre l’encyclopédie dans son sens propre où elle en accomplit le pourtour, en esquisse le périphérique. Complexe.
On peut se rendre sur la page du tisserand, homme de la complexité !
On peut aussi se reporter à la page “Architectonique”, notion importante de la Complexité
Hiéroglyphe auriculaire et mathématique
Il y a 6 ans, environ, dans la collection : “Science ouverte” les éditions du “Seuil” ont proposé un ouvrage de Nicolas Bouleau (mathématicien et architecte): “La règle, le compas et le divan.plaisirs et passions mathématiques“, dont l’une des ambitions est de dégager les ancrages des sciences dans la psychologie du sujet et la socialité du langage. De l’humain en mathématiques il y en a en plus qu’on ne croit ; du plaisir, de la frustration, et de l’inconscient beaucoup !
On comprend la pertinence de la règle, du compas et du divan dessinés sur la 1ère page de couverture, Ce qui étonne un peu, c’est la présence, comme un patient en analyse, d’un gros point d’interrogation (un peu larvaire !) lové presque vautré sur le divan..J’ai pensé que là était le lieu de la “question” ! !
Il y a quelques jours je relisais “Le Passage du Nord-Ouest, Hermès V “ de Michel Serres et particulièrement les chapitres relatifs à l’épistémologie de l’écriture et des sciences, thèmes récurrents et toujours passionnants chez ce philosophe, (l’un de ceux que je préfère). La percolation des hiéroglyphes et de l’alphabet, lorsque Solon, Thalès, Pythagore arrivent en Égypte, c’est le heurt d’un système quasi algébrique et d’un système quasi géométrique ! Il fallait alphabétiser un hiéroglyphe ! ! Difficile ! demandez à Champollion ! Nous nous sommes déjà, dans le Percolateur, intéressés à quelques points de résistance du hiéroglyphique face au phonograhique. L’esperluette, l’arobase, la lettre X,...Je découvre par hasard que notre point d’interrogation se révèle être, un résidu, un reliquat, un relief de la prégnance hiéroglyphique. Notre point d’interrogation est une oreille dessinée, à la fin d’une question, un graphe qui ponctue une interrogation et s’ouvre à une attente, une écoute, une attention !
Il me paraît intéressant , voire amusant (sous cet angle) de constater que Nicolas Bouleau, mathématicien, homme du calcul, du nombre et architecte, homme de la cognition et du trait place son ouvrage sous le signe de l’auriculaire, et s’en remette au dessin de l’oreille, graphe de l’écoute… paradoxe hiéroglyphique..
L’établi
Il m’a paru intéressant, alors que notre temps pare de majuscules l’Invention et la Création, les confinant dans des laboratoires ou des lofts d”artistes, de vous proposer un extrait du livre de Robert Linhart : “L’établi” (Minuit 1978). Voici la description de l’établi de M. Demarcy, retoucheur de portières chez Citroên.
«Le plus étonnant c’est son établi.
Un engin indéfinissable fait de morceaux de ferrailles et de tiges, de supports hétéroclites, d’étaux improvisés pour caler des pièces avec des trous partout et une allure d’instabilité inquiétante. Ce n’est qu’une apparence. Jamais l’établi ne l’a trahi ni ne s’est effondré. Et quand on le regarde travailler pendant un temps assez long, on comprend que toutes les apparentes imperfections de l’établi ont leur utilité : par cette fente, il peut glisser un instrument qui servira à caler une partie cachée; par ce trou, il passera la tige d’une soudure difficile; par cet espace vide. en dessous – qui rend l’ensemble si fragile d’apparence -, il pourra faire un complément de martelage sans avoir à retourner la portière déjà calée. Cet établi bricolé: il l’a confectionné lui-même, if en connaît les ressources par coeur.»
Les ingénieurs, ceux «d’en haut» ceux qui savent, vont lui remplacer brutalement son équipement par un engin neuf conçu par le Service des Méthodes. Et R.Linhart décrit alors le désarroi profond de M. Demarcy, puis le naufrage professionnel et personnel qui en résulte.