La longue tradition rhétorique grecque s’est employée à cantonner la métaphore dans une fonction ornementale, celle-ci est désormais un objet scientifique à part entière. L’engouement qu’elle suscite depuis quelques années, s’est traduit par une multiplication des écrits qui révèle, par ailleurs, une difficulté à situer le phénomène et à délimiter les territoires cognitifs qu’il recouvre exactement. La métaphore autorise, semble-t-il, ce moment privilégié de conscience où tout cloisonnement information-nel entre imagerie et sémantique est rendu caduc. C’est ainsi qu’a pu se développer un hiatus entre chercheurs issus de diverses disciplines (philosophie, linguistique, sciences de l’information et de la communication, psychologie, psychanalyse…) où chacun définit “ses” métaphores, comme outils certes mais parfois aussi comme armes. Sokal et Bricmont (Impostures intellectuelles) ont violemment attaqué la “philosophie française” en confondant peut-être un mot avec une idée ? Jacques Bouveresse dans un excellent livre : “Prodiges et vertiges de l’analogie” (éd, Raisons d’agir) s’inscrit dans la même perspective; (rappelons sa violente attaque contre Régis Debray et son utilisation du théorème de Gödel ! ! ) Parfois certains ont distingué le philosophe littéraire du philosophe scientifique, réservant le beau-parler, la privauté au premier le sérieux, la rigueur au second. Où classer Serres, Heidegger …..??
Je ne suis ni un savant, ni un poête. De formation scientifique je m’intéresse à tout ( à l’instar de Paul Valéry, toute proportion respectée ! !).Il semble que la métaphore puisse, au-delà du cosmétique, avoir un rôle pédagogique parce qu’elle nomme et désigne (linguistique, sémiologique), parce qu’elle représente et parfois modélise, suppléant le lexique défaillant et une créativité trop à l’étroit). Il est courant qu’un chercheur modélise une entité complexe, construise un objet intermédiaire entre une théorie et une réalité particulièrement abstraite.
Le principal souci est de dégager la métaphore du détail linguistique pour en extraire le raisonnement. Langues et cultures ne font pas obstacle à cette entreprise du fait que les locuteurs ont en partage une identité corporelle (la métaphore “donner une idée” nous enseigne que nous assimilons inconsciemment les pensées à des objets, la percolation se réfère à l’écoulement du temps avec la rétention et les réservoirs de la mémoire, et les obstacles dans le couloir…). A la lumière de ce modèle qui envisage l’organisation des connaissances abstraites sous forme de réseaux sémantiques dont les nœuds donnent corps aux concepts, la lecture d’une métaphore pourrait se concevoir comme l’activation en parallèle de différentes occurrences du lexique mental, de manière continue et diffuse, jusqu’à trouver un point d’intersection. et de compréhension métaphorique et analogique donc de construction épistémologique de la connaissance.
Heuristique & Sémiologique