Le Percolateur

Webzette n°16

 
 

Heuristique & Sémiologique

Webzette n°16  (Webzette du mois de juillet 2007 )

La représentation aura lieu sur l’obscène du Théâtre Français.

Author : Gilbert — 9 Sep 2007

Les dictionnaires consultables actuellement (Littré,TLF, Grand Robert, Larousse,) s’accordent pour dater du 16e siécle l’usage du mot “obscène” comme qualifiant ce qui offense, blesse ouvertement la pudeur, dans le domaine de la sexualité. Synonymes familiers : cochon, dégoûtant, dégueulasse (vulgaire), graveleux, sale. Qui offense le bon goût, qui est choquant par son caractère inconvenant, son manque de pudeur, sa trivialité, sa crudité, son immoralité. Bref, licencieux et ordurier.
On peut même consulter Montaigne dans les “Essais” : “ils se torchoient le cul (il fault laisser aux femmes cette vaine superstition des paroles) avecques une esponge; voilà pourqoi spongia est un mot obscoene en latin)”. Ob-scenus : ce qui reste d’un homme quand il ne se met plus en scène (ob: à la place, en ” échange de”). quand s’exhibe ce que l’on doit cacher ou éviter. Tel est le premier sens du mot, et aussi (conséquemment à une proximité phonique et graphique), sinistre ou de mauvais augure. Le pluriel neutre, obscena, désignait les excréments dont on sait qu’ils sont de bon augure quand on les écrase du pied ! Régis Debray dans son dernier livre : “L’obscénité démocratique” joue, peut- être un peu abusivement, avec la proximité de “scène” : “Appelons donc obscène, sans esprit polémique et au sens étymologique, une société qui, parce qu’elle ne supporte plus la coupure scénique, confond le surmoi et le moi, le nous et le je, l’ambition collective et l’ambitieux tout court. Qui fait passer la personne de l’écrivain avant son écriture, l’homme d’action avant son action et le musicien devant la musique…Obscène, en terme technique, qui passe, plus précisément, du plan large au gros plan qui vient fouiller le visage, la larme au coin de l’ oeil, le baiser sur la bouche et le petit dernier – au cours d’un cérémonial officiel…” L’obscène substitue au conformisme des rôles, la coquetterie de l’étonnant, de la surprise. Vous avez remarqué combien le sport est propice à cette dérobade et à ce dévoilement, qui ouvrent les vestiaires comme la “pipolitique” les antichambres !
En somme au théâtre, l’obscène ce sont les cintres, les coulisses, les loges, les baignoires de la monstration, la fosse, le poulailler et son caquetage, le fou rire nerveux des costumières, des maquilleuses et des coiffeuses ainsi que le trac qui paralyse le comédien qui s’apprête à quitter l’obscène pour la scène. Au restaurant l’obscène c’est la cuisine et le doigt goûteur dans la sauce. Quand le Roi lutine la bergère ce n’est pas tant la lutinerie qui est obscène et inconvenante, que la Royauté qui déroge en Privauté. L’obscène est en toute chose l’exhibitionnisme, le manque de retenue, de discrétion. La représentation, du public au privé, se trompe de territoire, au détriment des rites et des symboles.
Ce n’est pas Simone de Beauvoir photographiée nue à sa toilette qui est obscène mais bien le Nouvel Observateur, le Nouvel Obscène qui oublie “son rôle” sur la scène médiatique, ridiculise une mémoire et insulte ses lecteurs en essayant de les entraîner derrière le paravent ou de l’autre côté du miroir. Tout se passe comme s’il n’y avait rien à voir au théâtre de la politique, sur le stade des exploits, au pied des pyramides, mais que hors de la scène tout est prévu pour ceux qui ont accès aux trous de serrure, aux caméras cachées, aux micros indiscrets, aux glaces sans tain, et qui se délectent de l’ostentation plus que de l’ostention du privé, de l’intime. et du spectacle derrière l’obstacle.
Là-bas, près de l’arbre en boule, le buisson ! zoome,, cherche alentour, fouille… là,.. ça y est… tu les as ! serre, serre, resserre,. .. c’est dans la boîte ! “

De Besançon à Ferney

Author : admin — 1 Sep 2007

De Besançon à Ferney

par un sculpteur jurassien, Michel François.

La langue fuyante

Author : Gilbert — 17 Aug 2007

La langue fuyante.

Dans son livre, “Echolalies, essai sur l’oubli des langues” (Seuil, 2007) Daniel Heller-Roazen, en une quinzaine de textes, savants mais d’une lecture très agréable, nous propose une étude sur le le début et la fin indiscernables des langues dont l’évolution et les variations sont continuelles. A preuve sa référence à Montaigne et à la langue fuyante de ses “Essais” :

“J’ escris mon livre à peu d’hommes et à peu d’années”, note-t-il dans ” De la Vanité“. «Si c’eust esté une matiere de durée, il l’eust fallu commettre à un langage plus ferme. Selon la variation cçntinuelle qui a suivy le nostre jusques à. cette heure, qui peut esperer que sa forme presente soit en usage, d’icy à cinquante ans ? Il s’escoule tous les jours de nos mains et depuis que je vis s’est alteré de moitié. Nous disons qu’il est à cette heure parfaite. Autant en dict du sien chaque siecle. Je n’ay garde de l’en tenir là tant qu’il fuira et se difformera comme il faict »

Plus nous chaut le sens que le signe.

Author : Gilbert — 12 Aug 2007

Plus nous chaut le sens que le signe.

Bernard Stiegler excelle dans l’exploitation des mots, de leur origine, leur histoire, leur contamination, leur perversion, leur ambiguïté ; une sorte de jeu sur la langue, mais un jeu créatif, catalyseur conceptuel. “Une nouvelle société industrielle doit être pensée, selon un autre modèle industriel, qui repose sur une socialisation des technologies dans la mesure où celle-ci saura cultiver à nouveau un otium du peuple ” On devine là l’allusion ( ! ) d’autant que dans la page précédente BS évoque le”pharmakon” drogue et remède de Platon, et l’addiction ! L’opium n’est pas loin ! Normal, comment traiter de la société industrielle sans penser à Marx, à l’évoquer sans l’invoquer ?
Les Romains, imitant en cela les Grecs, divisaient la vie en deux parties. Ils appelaient la première otium. Ce mot qu’il convient de traduire par loisir ne signifie toutefois pas absence de travail, mais temps libre, ouvert, occasion de s’occuper de ce qui est proprement humain: la vie publique, les sciences, les arts (tel que le préconise Sénèque). La seconde zone, caractérisée par les efforts nécessaires à la satisfaction des besoins vitaux —( et pour rendre ainsi possible l’otium )— les Romains l’appelaient negotium (nec, otium), indiquant par là, le caractère négatif de ces activités par rapport à celles qui portent sur les choses proprement humaines. Notre mot négoce est issu de negotium. Le mot otium conviendrait à une partie de ces loisirs: voyages culturels, lecture, action sociale, etc.; à l’autre partie, aux loisirs organisés, c’est le mot negotium qui conviendrait; ce sont des activités calquées sur le travail. Ici l’échange, le troc négocié, là le don, la gratuité, (le “hard” et le “soft”, “speed” et “cool” au dire de certains !). L’enrichissement n’est pas de même nature, le profit non plus. Le mot “négoce” se définit négativement, par “ce qu’il n’est pas”, son domaine n’est pas celui du loisir, de la disponibilité, Son sens, jadis, était celui de commerce (au sens actuel d’échange marchand) il s’est élargi de nos jours à la notion de transaction internationale à “très gros chiffre d’affaire” ! Quant à négocier, au delà de l’univers économique et marchand, le verbe étend ses notions de rapport de force, de stratégie, de dialogue, de discussion, de concession au débat social, politique, de la psychosociologie du groupe à la diplomatie internationale. Une de ses postures déterminantes est dans la façon d’aborder un obstacle, une difficulté, ce qui a donné métaphoriquement l’expression : “négocier un virage ou un bon accord” ! Comme si négocier en se socialisant avait pris du recul et négligé une partie du “neg” au profit de l’otium. Du négociant au négociateur !
Commerce et négoce, les deux mots, en notre temps, sont pratiquement synonymes à la différence de dimension et d’amplitude près,les deux appartiennent au domaine de la relation (essentiellement marchande, mais pas exclusivement), de l’échange.
L’étymologie de commerce lui confère une sorte de double destinée : com (du latin cum avec, en relation, en commun) et mercis (marchandises en latin ) Dans son sens usuel (économique) le commerce c’est l’activité qui consiste à échanger, vendre ou acheter, des marchandises, des produits, des valeurs, …ici on insiste sur le “mercis”, le “negotium “. Dans son usage archaïque, littéraire on insiste sur le “cum et l’otium”, là dans le domaine de la vie sociale on évoque le commerce comme relation sociale, amicale ou affective, fréquentation et partage entre plusieurs personnes . Dans le domaine de la vie intellectuelle, le commerce est l’échange d’idées, Proust parle de “tenir commerce d’intelligence et fines causeries …”, cela dit, on passe aussi du salon au boudoir et l’on chuchote le “commerce charnel” ou l’amour mercantile ! !
La notion d‘intérêt est ici déterminante avec son ambiguïté, c’est l’intérêt qui est le moteur de la relation, du commerce et qui en définit le domaine. Je veux gagner de l’argent, faire une bonne affaire , je suis intéressé et je fais du commerce, negotium. Je suis passionné par les discussions, la conversation, les autres et leurs idées m’intéressent nous faisons commerce, échange de points de vue et d’opinions, otium.
N’est-il pas oiseux (de otium, car inutile ! ) de s’intéresser tel un chaland à ce commerce des mots alors que la nonchalance nous ouvre loisir et oisiveté. “Oisiveté surtout, peu nous chaut” !

NOTE : Chaloir : Verbe défectif impersonnel = importer, intéresser.
Emplois en forme négative ou interrogative.
Ex : Il ne nous chaut.. = il ne nous importe, cela ne nous intéresse pas…

L’Astérisque (*)

Author : Gilbert — 1 Aug 2007

L’ASTÉRISQUE, ( * )…en considération.

Nous avons eu l’occasion d’évoquer dans ces colonnes les signes typographiques, l’esperluette et l’arobase. Ces signes issus de la calligraphie manuelle sont un peu comme des hiéroglyphes grâce à leur expressivité et leur idéographie. Ils ont aussi une fonction grammaticale, ils se lisent et se prononcent comme des lettres dûment estampillées ayant leur place dans l’alphabet, la phrase, la casse du typographe et le clavier de la machine.
L’astérisque (étoile) est un signe graphique (non-littéral), imprimé ou manuscrit, en forme d’étoile (*) pouvant prendre plusieurs valeurs conventionnelles (polysémie). Il peut indiquer, avant ou après un mot, une lacune, une forme hypothétique, les notes ou additions qu’un auteur fait dans son ouvrage, renvoyer à une définition, un éclaircissement ou toute autre information convenue, séparer des paragraphes… L’astérisque comme joker et facilitateur !
La littérature contemporaine fréquente peu ce caractère qui lui paraît extra-littéraire et qu’on ne voit guère mentionné dans la table des signes de ponctuation, bien qu’il soit omniprésent sur le clavier, généralement à gauche de la touche [Entrée] et en haut du pavé numérique ! La littérature mondaine du XIXe siècle goûtait assez le camouflage pudique des noms de personnalités par une séquence de trois astérisques (Les fredaines la Duchesse de ***). A noter que, récemment, les éditions du Seuil ont proposé au philosophe François Jullien de répondre à l’un de ses détracteurs dans une collection: “Réplique à*** “. La dispute est violente et l’auteur dès la première phrase de sa réponse fait fi de la retenue étoilée de l’éditeur ! La réplique est destinée ! Jean-François Billeter est “à découvert”. A noter que l’astérisque “pipole” ne demande qu’à déchirer le voile qu’il jette !
A peine ai-je terminé cette petite histoire de l’astérisque que je découvre un livre de Daniel Heller-Roazen, qui vient d’être édité par Le Seuil (Collection : La Librairie du XXI ème siècle) : “Echolalies, essai sur l’oubli des langues” ? Un Livre très savant écrit par un Savant linguiste, et…. passionnant ! Pour essayer d’être simple et si possible fidèle on peut dire que la linguistique au XIX ème et au XX ème siècle considère (au fait n’y a-t-il pas de l’astérisque dans ce mot ? ! ) s’agissant de la philologie, de l’étymologie, de l’histoire des langues, de leurs mots et de leur grammaire, que dans toute langue on trouve des traces d’une langue antérieure, mais à l’origine la langue-mère n’existe pas, elle n’a pas de langue antérieure, elle ne peut -être attestée, elle n’est matrice d’une descendance que parce qu’elle a une consistance mais pas d’existence. Si vous apprenez que l’indo-européen a été parlé, signalez-le tout de suite à un savant, vous venez de découvrir un cataclysme, un désastre (!) qui détruit l’édifice de nos langues !! C’est l’astérisque (*) qui désigne, distingue, identifie cette origine, la *langue, et ses descendants, ses issus. Au risque du paradoxe :
“Dans la science moderne de la syntaxe, l’énoncé marqué d’un astérisque confirme, par sa fausseté même, le protocole d’une vérification proprement empirique. En tant qu’énoncé strictement impossible, il contribue à l’établissement des principes qui, de toute nécessité, doivent régir une grammaire. Mais l’impératif scientifique demeure inchangé: il faut en appeler à des formes de langage inexistantes pour expliquer des langues qui, elles, existent bel et bien. Ainsi, l’étoile brille à nouveau. Il semblerait que l’on ne puisse observer le détail d’une langue qu’à la lumière d’une autre, dont les formes, immémoriales ou inconcevables, sont toujours à inventer. Seule la petite étoile permet de naviguer sur les océans d’une langue unique. Repère imaginaire et pourtant lumineux, l’astérisque dissipe par son éclat ces ombres qui ne cessent d’enténébrer une langue, et sans lesquelles aucune ne serait ce qu’elle est.”


Notes :
1) “écholalie” : répétition automatique de mots prononcés par autrui, relève de la psychologie ; ce terme est utilisé par l’auteur de l’essai, loin de l’acception médicale jusqu’à se fondre avec le concept de langage. “Chaque langue est l’écho de ce babil enfantin dont l’effacement a permis la parole”. Et, quelle promotion pour l’astérisque ! !
-2) “astérisque”: du grec asteriskos “petite étoile”, de l’IE *ster, par le latin, aster.

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