Le Percolateur

Verbe

 
 

Heuristique & Sémiologique

Verbe  (Je procède toujours quand j’écris par digression, selon des pas de côté, additions de suppléments, prothèses, mouvements d’écarts vers des écrits tenus pour mineurs, vers les héritages non canoniques, les détails, les notes de bas de page… (Derrida) )

Cyber-utopie

Author : Gilbert — 4 May 2005

Cyber-utopie ou la société bouclée.

Consensus. Pensée plate. Interférence nulle. Résonance de la raison équitablement répartie et partagée. Battement 0 de l’unisson qui fait la force. Pas d’hyperbole, discours unique de la mise en phase . Plus de franges, d’aberrations, de diffractions.Convergence focalisée de la lumière monochrome et cohérente sur un monde prêt à imploser sous les pas enfin cadencés des pantoufles et des bottes.

Le diapason s’impose à la goutte d’eau sur la cloche sans timbre ni couleur, monotone dans un univers sans harmoniques et sans débords. Espace piégé, isotrope. Polarité des réceptions sans parasites. Onde claire que ne trouble ni l’agneau ni le loup.Pas d’interstices : où est le lacunaire, le fractal, l’epsilon ? Capteurs inutiles de signaux d’erreur insignifiants. Encéphalogramme plat de la machine « cleanique ». Tuner calé, accord parfait de l’airain et du plomb dont on fait les chapes d’ennui, du violon monocorde et du « la » synthétique. Exit la rhapsodie ! Les bouches en cul de poule ferment les voyelles et les paupières lourdes plombent les regards. La main ouverte se recroqueville derrière l’index pointé, déictique. Le chant s’étouffe et le geste se fige, exit le lyrique. Raideur de l’épine « doxale » mais la nuque se courbe au culte du convergent, du cohérent, du pertinent. Et l’on se tire par les cheveux pour s’aider à mieux sauter.

La ligne droite n’a que faire du différentiel. La « capitale » homothétise le « bas de casse » comme l’ombre portée de Thalès. Le train roule sur les voies euclidiennes sous un ciel sans arc après la pluie drue sur le plat pays.

Equarrissons le bois de la langue univoque et de la flûte monochromatique, polissons-le cent fois non sans lois. Pas de vagabondage, pas d’errance, pas de rêve sur l’itinéraire sans rocade, sans déviation ni traverse.Ebarbons le bronze de la « cloche de Gauss », du coup de dés le hasard est aboli, il est piégé par la statistique, trépan de la sonde d’opinions, racine pivotante sans radicelles de l’arbre sans rameaux . Là où il y avait un buisson il y a un pieu fichu en sol stérile érodé selon les strates de la roche dure par le vent de la girouette bloquée. Homogénéité de la soupe savamment mixée où ne surnagent plus les carottes utopiennes de Gébé, anéanties par les cuissons répétées.

L’information augmente le probable, l’érige en certitude, accroche l’effet à la cause, soude les maillons dont pas un ne manque ; je vous le dis il n’y a pas de trous ! Là où il y a de la « self » mettons de la « capa », et là où il y a de la « capa » mettons de la « self » et des shunts, beaucoup de shunts pour amortir les étincelles, arrondir les angles et émousser les pointes. Mer d’huile, calme plat, « ça baigne » le long des côtes bétonnées et sur les archipels engloutis. La réflexion n’est plus que mimétique et tautoloqique (reflets), truisme et sophisme protégés par les barrières et les ceintures de sécurité sociologiques.

Ni Dieu, ni Maître, ni Big-Brother mais le SYSTEME DE CONTROLE HOMEOSTATIQUE et « rétroactionnaire ». Férulation et régulation.

Eloge de la fioriture

Author : Gilbert — 4 May 2005

ELOGE DE LA FIORITURE

“Comme un beau cadre ajoute à la peinture

Bien qu’elle soit d’un pinceau très vanté

Je ne sais quoi d’étrange et d’enchanté

En l’isolant de l’immense nature.

Ainsi bijoux, meubles, métaux, dorure,

S’adaptaient juste à sa rare beauté ;

Rien n’offusquait sa parfaite clarté

Et tout semblait lui servir de bordure.”

Dans le sonnet “Le Cadre”, Baudelaire, assigne au cadre le rôle de bordure, qui isole” et distingue le tableau et lui “ajoute de l’enchanté”. Il “n’offusque pas” (ne ternit pas) à travers cette litote l’auteur dit bien que le cadre “ajoute” de l’éclat.

Il en est ainsi de la fioriture. Il n’y a pas de fioriture en soi, elle n’est jamais essentielle, mais elle touche l’essentiel qui est son “objet”. Elle est une “célébration”, une parure et non l’apparence. Elle ne divertit pas elle est médiatrice. Elle n’est pas spectacle mais “invitation” voire «initiation ». Elle est la ritournelle, territorialisante et consistante telle que la définit Deleuze dans : « Mille plateaux ».

La fioriture c’est le masque du drame antique (porte-voix et illustration expressive des personnages) c’est aussi l’enluminure, la lettrine, la vignette des textes anciens, le blason, le velin de la reliure, la miniature. Il y a dans la fioriture le drapé d’une tenture, la transparence d’un voile, la lumière rasante sur le moiré du satin. Il y a du travail d’orfèvre, de la dentelle et de la broderie. Il y a aussi l’arpège, le fredon et l’appogiature. Il y a le rinceau, la feuille d’acanthe et l’astragale. Il y a les volutes de la calligraphie arabe et le trait de l’idéographie orientale. Il y a aussi l’éloquence et les figures de rhétorique, le grain de la voix et celui du papier. Il y a le cérémonial, la mise en scène … et la cathédrale.

La fioriture n’est pas un art mineur. Là, le flacon importe à l’ivresse et le jardin chante la demeure qu’il entoure. La fioriture est peut être tout simplement, un art de la séduction. Elle peut être sobre sans être pauvre, de cette sobriété qui est de la richesse épurée celle de l’autel ou de la scène modernes. Elle peut être exubérante de la profusion baroque de ce lyrisme qui se garde du clinquant. Préférons le bijou au colifichet et tordons, s’il le faut, le cou à “l’éloquence”. Il ne s’agit ni “d’en jeter” ni “de frimer”, la fioriture sait s’effacer être discrète, en tout cas en “harmonie” avec l’objet qu’elle « montre ». La fioriture requiert de son artisan, de son artiste un goût sûr, un savoir faire affirmé, une grande sensibilité, une intelligence passionnée de son objet … et l’humilité. Un geste qui souligne la parole, discrètement.

Qui n’a connu cette étrange volupté au murmure hésitant du coupe-papier ouvrant les pages d’un livre non-massicoté ! La frise sur le linteau !

Le grand combat

Author : Gilbert — 4 Mar 2005

Extrait de : « Qui je fus »(Gallimard 1927) de Henri MICHAUX

Le Grand combat

Il l’emparouille et l’endosque contre terre;

Il le rague et le roupète jusqu’à son drâle;

Il le pratèle et le libucque et lui barufle les ouillais

Il le tocarde et le marmine,

Le manage rape à ri et ripe à ra.

Enfin il l’ecorcobalisse.

l’autre hésite, s’espudrine, se défaisse, se torse et se ruine

C’en sera bientôt fini de lui ;

Il se reprise et s’emmargine… mais en vain.

le cerceau tombe qui a tant roulé.

Abrah ! Abrah ! Abrah !

Le pied a failli !

le bras a cassé !

le sang a coulé !

Fouille, fouille, fouille,

Dans la marmite de son ventre est un grand secret.

Mégères alentour qui pleurez dans vos mouchoirs ;

On s’étonne, on s’étonne, on s’étonne

Et vous regarde,

On cherche aussi, nous autres, le Grand Secret

Production de la poésie

Author : Gilbert — 4 Feb 2005

PRODUCTION DE LA POESIE

Au commencement était la Parole.

La naissance de la poésie se confond, sans doute, avec celle du langage articulé. Les progrès de la structuration sociale impliquaient une mémorisation des messages pour leur transmission et leur diffusion, or le rythme, la rime, la scansion sont en quelque sorte des moyens mnémotechniques qui facilitent l’apprentissage et la restitution. La tradition orale s’est ainsi transmise par une poésie soulignée de gestes puis de musique (à laquelle celle des mots n’était pas étrangère elle même s’appuyant sur des instruments du rythme et du mimétisme

sonore. Intercesseur, tout naturellement la poésie l’était, et naturellement religieuse. Son pouvoir était magique, objet rituel elle devint rite elle même et rythmait la vie sociale.

Puis vint l’Ecriture

D’abord hiéroglyphique ou pictographique elle assura la mémoire longue, mais élitaire, elle ne constituait à son origine que le fonds, la référence d’une communication essentiellement orale. Son inscription lapidaire et parfois monumentale a toutefois été la première manifestation imagée du langage (on peut penser que la recherche esthétique n’en était pas exclue ni l’aspect rituel).

Puis ce fut l’avènement de l’écriture phonétique, scription des sons, premier produit audiovisuel par sa traduction graphique, visible et lisible de la musique des mots et, par-delà, de leur sens. Dès lors la poésie “dite et écoutée” peut être “écrite et lue”. Aux contraintes orales (de la diction et de la déclamation) s’ajoutèrent les exigences de l’écrit (rigueur de la rime plus grande par exemple).

Ainsi l’écriture participa à la célébration du “Verbe” à son principe, à sa

prééminence. Les manuscrits s’enrichirent d’enluminures, de miniatures, de lettres historiées, de lettrines armoriées, d’une calligraphie “déclamatoire”. A travers l’écrit “imagé”, dessiné, orné c’était le mot qui était magnifié et au delà son objet religieux. La page manuscrite était comme un autel dressé à la gloire du “verbe” comme l’ostensoir d’une présence cachée et sa révélation, le “verbe se fait chair”.

L’imprimerie perpétuera ensuite cette “mise en scène” du texte jusqu’à expliquer, de nos jours, le perfectionnisme de la typographie dans les recueils de poésie les recherches de mise en page, les rigueurs de la composition. A la séduction des mots s’ajoute celle de leur monstration, de leur exposition.

Actualité de l’archaïsme

Dans son approche la plus intime comme dans la plus collective, la poésie requiert donc le rituel et la mise en scène. Du recueillement de la lecture silencieuse au spectacle de sa théâtralisation la poésie exige un “espace”. D’origine religieuse elle implique une disponibilité totale et c’est ainsi qu’elle doit “marquer son temps et son lieu” elle a besoin de signes déictiques, de “cadre”. C’est parce qu’elle est “un moment” privilégié qu’elle peut imprégner le temps, c’est parce qu’elle a un “lieu d’exposition” qu’elle peut imprégner l’espace. La poésie ne se dilue pas, elle rayonne. Sa “liturgie” l’identifie, la distingue, en concentre et condense le “merveilleux” sans l’enfermer, comme une lumière dans la flamme tout entière ramassée mais sans boisseau ni ombrage. Il y a ici, comme une invariance, au-delà des époques des techniques et des mythes, une nécessité archaïque, sans doute essentielle, pour la poésie de se « montrer », de se « produire ».

A la fortune du mot

Author : admin — 10 Jan 2005

Sur le bout de la langue...

Lorsque Richard Jorif invente le mot « burelain » pour en intituler l’un de ses livres, il « joue » sur le quatrième terme d’une proportion. Le rapport de « burelain » à « bureau » est égal à celui de « châtelain » à « château », dès lors il évoque autre chose que « employé de bureau » ou « bureaucrate ». On devine derrière le mot une manière d’être, un style de vie plus qu’un rôle, une fonction ou un pouvoir. Ainsi, on pourrait imaginer un « batelain » préférant le cabotage roturier dans l’archipel au cabotinage hauturier, ni amiral, ni skipper.
Les mots sont ainsi, qui se prêtent au jeu, au sens ludique et au sens mécanique, ici précision et tolérance, là règle et arbitraire. Il y a des mots que l’on calembourre du genou dans des mots-valises qui implosent de sens ou éclatent de rire. Il y a les mots que l’on flèche et décoche, que l’on croise, rébuse, charade. Il y a ceux, goûteux et gouleyants, dont on se gorge et d’autres que l’on ne pipe, et certains qui restent en travers du gosier. Et ceux gros et gras d’irrespect, d’impudeur, d’irrévérence et les demi-mots de la complicité, de la connivence et du consentement amoureux. Mots couverts du mot de passe et le mot d’ordre répèté mot à mot pour prouver qu’il n’est pas pour rire. Et ces mots de la langue du bois dont on fait les flûtes ensorceleuses, assénés dans des slogans pour masquer la vacuité du discours matraqueur de la propagande. Et ces mots liftés, relookés, revisités à la mode.
C’est en poésie que les mots prennent leur pied, qui par allitération, assonance jouent du rythme, de la rime, de la musique et du sens. On les murmure, les susurre. On les crie, les écrit. Mots de révolte parfois mais aussi mots d’amour, de tendresse. Coups de gueule mais aussi mots caresse. Quand la philosophie contemporaine s’interroge sur le différent, le différend, la diffèrance (Derrida) . elle puise dans la générosité de notre langue, dans son archéologie, dans les sous-tendus et les sous-entendus, dans la rencontre des mots des rencontres d’idées. Les mots deviennent les outils premiers de la réflexion et de la création. Parce qu’il substitue le tabulaire, son espace visible et lisible au linéaire temporel du « dit » fugitif, l’écrit est sans doute le lieu privilégié de cette interférence des mots, de leur composition et de la rencontre hyperbolique de leur sens. Le prisme de la lecture permet de saisir ces instants et ces espaces où les mots tels des photons se manifestent comme des figures d’interférence, visibles seulement dans leur frange brillante. La lecture, en tout cas la lecture ouverte, c’est peut-être ça une « interferrance ».

Voir “Percolexique n°3.

A propos du bref

Author : Gilbert — 4 Jan 2005

A PROPOS DU BREF.

Soyez court vous serez meilleur. « Trop long » écrit en rouge dans la marge de la copie de l’écolier, trop long le discours, la conférence, l’homélie, les bonnes histoires

( dont on sait que les plus courtes sont les meilleures), la démonstration que l’on alambique par défaut alors qu’un petit dessin vaut plus qu’un long discours……

On charge la longueur, le développé, de lourdeur et d’ennui…Et de parer le bref de toutes les qualités et de célébrer le court dans toute la diversité des disciplines dont il relève : histoire littéraire, histoire des idées, rhétorique, stylistique, poétique. Des fragments d’Héraclite aux aphorismes de Cioran, de l’épigramme à l’anecdote, de la sentence à l’apophtegme, du madrigal à l’impromptu, de la devise à la maxime, de l’adage à l’emblème, de la saillie au trait, du proverbe à la citation……

Désignons la forme brève des textes par le terme générique de « fragment » (ce qui est, avouons le, hors l’apparence, une approximation grossière ! ). Cette forme dite fragmentaire a été illustrée par maints auteurs : Pascal, La Bruyère, La Rochefoucauld, Chamfort, Voltaire, Nietzsche, Novalis, Valéry, Ponge, Blanchot, Butor, Baudrillard,….Et combien de poètes !!!Certains de ses détracteurs n’ont pas hésité à l’utiliser : La Bruyère, Mallarmé, Quignard,..D’autres en dénonçant sa légèreté, sa futilité, la condamne au salon, au boudoir ou au comptoir. Tout l’art du tissage se retrouve dans la passementerie, de la sculpture dans la ciselure.

Tentons une typologie (fragmentaire !) du fragment. Le «FRAGMENT-TRACE » : arrachement mnésique à l’Histoire enfouie, au Livre perdu, à la Lecture oubliée – surgissement du souvenir, éclat et brillance enchâssés dans les strates du Temps. Page extraite de ce grimoire plus chironné d’artisons que châtaignes en décembre. Une phrase proustienne surlignée. Tables Claudiennes ! Miroir polyédrique dans la bibliothèque. Découpe du projecteur ou du rétroviseur….. Le « FRAGMENT PRE-TEXTE » d’une œuvre promise, bribes du futur, chevêtre et moellons, notes et croquis, Ebauche du Livre à venir. Fagotage de Montaigne….. Le « FRAGMENT LITTERAIRE » n’est pas fragment par accident mais par essence et sous contrainte volontaire, il condense et concentre et son inachèvement renvoie à une intention, il sollicite le lecteur. Nietzsche voyait dans l’écriture fragmentaire une sorte de déclencheur, de catalyseur, d’autres ont évoqué la semence, le greffon proposé à l’ente.

L’écriture comme la lecture pratiquent le discontinu et procèdent par séquences, interruptions et fractionnements, celle-là au cours de sa proposition et celle-ci dans son appropriation et les deux en un processus de création finalement partagée. L’écriture et la lecture sont l’une et l’autre lacunaires et fragmentaires, en quête de complétude. C’est ainsi qu’une deuxième lecture coïncide rarement avec la première et que dans le cas de lectures multiples et croisées nous pouvons saisir (être saisis par) des concordances fugaces, inattendues, brefs laps d’illuminations heureuses comme de fugitives interférences lumineuses.

Mais notre temps a le culte du rendement. La langue se doit d’être efficace, à la mesure des outils, des supports de la communication et à l’aune de l’économie débridée. Il ne s’agit pas tant d’être court que d’être rapide, réduit et réducteur….et triste de surcroît. « Plaisir et Jouissance » du Texto-SMS ? Késako !!!!!

D’oc en oil, jouir de dire oui

Author : Gilbert — 4 Jan 2005

D’OC en OIL jouir d’ouïr et de dire « OUI ».

Nous désignons, en France, nos langues originelles par le vocable de l’affirmation : langue d’oïl, langue d’oc. Le Français actuel peut se considérer comme la langue du « OUI ». «Oui » de l’approbation, de l’adhésion, de la connivence, de l’engagement, du consentement… Il n’est pas de véritable négation, celle du refus, de la résistance, qui ne s’étaye logiquement du « oui » de profession et d’attestation.

La tonalité du « oui », bien sûr, n’embrasse pas toute la phonétique française mais il en identifie la musique, comme une clef. Sa demi-aspiration dans la phrase l’isole, le détache malgré sa forme vocalique qui le destinait à être absorbé par la liaison et l’élision consonantiques. Pourquoi ne pas attribuer au mot « oui » et à son expression une dimension symbolique globalisante, voire cosmique à l’instar de Mallarmé qui plaçait en abyme réciproque le jour et la nuit par l’opposition du « ou » sombre au « i » clair, dans la page fameuse de « Crise de vers » ? Pourquoi ne pas jouer de la mimographie et voir dans le « O » et le « I » les atomes graphiques (graphèmes) fondamentaux de l’écriture romane, le rond et la barre ; et le 0 et le 1 de la logique binaire (avec le u symbole opérateur de l’union). Remarquons l’homophonie : oui = ouï = entendu. Ainsi le « oui » par sa forme, sa musique, son enracinement étymologique, ses déclinaisons ludiques caractérise bien notre langue et peut la désigner, qu’elle soit maternelle, adoptée, officielle, seconde, de culture ou de plaisir. Son texte est ourdi par une longue Histoire et se trame de lustre et de préciosité, de rigueur et de précision, de finesse et de géométrie. Dans « L’écriture ou la vie » Jorge Semprun parle de la « concision chatoyante » et de la « sècheresse illuminée » du français.

. La langue du OUI comme fond et fonds de l’humanisme n’a pas à se défendre, elle doit séduire. La francophonie ne doit pas être vécue comme le repli frileux d’identités qui malmènent notre temps, ni comme le refuge nostalgique où s’archivent des valeurs anciennes, ni comme une forme occulte de l’impérialisme colonial, mais avec sa charge d’histoire et de culture, comme patrimoine partagé, comme réalité évolutive, dynamique avec ses réussites et ses échecs, ses perspectives, ses handicaps, ses ambitions, ses potentialités et comme entité transversale des systèmes politiques, économiques, idéologiques et religieux.

La langue française n’est pas (plus) propriété hexagonale. Dans le monde il y a des centaines de millions de francophones et d’étrangers qui adoptent le français comme deuxième langue, des milliers d’écrivains et de poètes qui l’enrichissent ; ils ont leurs mots à dire, écoutons-les. Le « oui » s’augmente à se partager, ce n’est pas là son moindre paradoxe. Dans « Le sentiment de la langue, ed. Champ Vallon » Richard Millet ne croit pas « à une pluralité de langues françaises mais à maints particularismes venant nourrir (parfois sauvagement et heureusement) un tronc commun, un fleuve dérobé aux sabirs et aux académiciens ».

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