Dans son ouvrage “Aristote au Mont Saint-Michel” (Le Seuil), l’Universitaire Sylvain Gouguenheim nous parle de la Transmission de ses buts, de ses obstacles, de son outil le langage, de la Percolation donc.
Pour une civilisation, hériter de l’univers culturel et scientifique d’une autre civilisation suppose une communauté de langue, ou un immense effort de traduction. Or il ne suffit pas de traduire pour s’approprier une pensée étrangère: il faut encore que la traduction permette la transposition non seulement du sens des mots mais des structures de la pensée afin que, par la suite, ces structures demeurent fécondes même transplantées dans un autre univers linguistique. Dans le cas du transfert du grec à l’arabe, l’une des plus grandes difficultés pour les traducteurs résidait dans le passage d’une langue sémitique à une langue indo-européenne,et réciproquement. L’obstacle était plus redoutable que celui de l’absence d’un vocabulaire approprié dans l’une des langues car il oblige à se heurter à la syntaxe et à la morphologie des systèmes linguistiques en présence, eux-mêmes constitutifs de certains schémas mentaux d’expression et de représentation. Notamment, dans une langue sémitique, le sens jaillit de l’intérieur des mots, de leurs assonances et de leurs résonances, alors que dans une langue indo-européenne, il viendra d’abord de l’agencement de la phrase, de sa structure
grammaticale. Cette distinction s’avérera essentielle pour la philosophie. Ce n’est pas un hasard si, à l’époque précédant l’Islam, la péninsule arabique fut une terre de poètes et de poétesses. Par sa structure, la langue arabe se prête en effet magnifiquement à la poésie: chaque mot y est composé à partir d’une racine de trois consonnes, que l’on peut compléter à l’aide d’autres consonnes et de trois voyelles. Ce système facilite les répétitions de sons, procure des effets d’harmonique, amplifiés par le rythme que. produit un système consonantique de fortes et de faibles. La langue arabe est une langue de religion, au sens étymologique du terme: elle relie, et ce d’autant plus que, au système des temps indo-européen (passé, présent, futur) elle oppose celui des aspects (accompli, inaccompli) qui facilite l’arrimage aux sources. En somme les différences entre les deux systèmes linguistiques sont telles qu’elles défient presque toute traduction, tant le signifié risque de changer de sens en passant d’une langue à l’autre.
Heuristique & Sémiologique
Percolation culturelle, l’obstacle de la langue.
Percolexique n°1
Les mots du “Percolateur sont, bien sûr, ceux de la langue française, les meilleurs parmi eux, les plus expressifs, les plus polysémiques, les plus tordus, les plus ambigus. les plus élégants, le Percolateur n’hésite pas à recourir aux archaïsmes, fonds de commerce de notre vieille langue, héritée, de Rabelais, de Montaigne, et même de Vaugelas !… On remarquera que la modestie n’est pas la vertu cardinale du Percolateur, à tel point qu’il a recours à ce droit imprescriptible arrogeable par tout pratiquant de notre langue : la création lexicale, le néologisme, enrichissant ainsi l’arroi et l’aloi de la francophonie, un peu à l’instar des Québécois, des Belges, des Suisses et autres Africains malgré l’effarement du “prote” de service et de l’Académicien vert de frayeur.
Le Percolateur est d’ humble origine, certains habitués des paillasses diront “de basse extraction” kidnappé qu’il fut, derrière un bar, pour s’être fait remarquer très souvent par ses borborygmes, ses sifflements et autres grognements qui précèdent son expiration d’arômes suaves. Il y a du plaisir qui s’accroche à cette machine, du bien et bon vivre…”non ?”
La percolation (physique des fluides) est le processus d’écoulement d’un fluide dans un milieu obstaculaire. Le fluide peut être un liquide mais aussi par extension métaphorique (ou abus !) un flux d’ informations, de matière pulvérulente, de fragments de textes, d’électrons ou de particules, une foule humaine, une horde, un troupeau, une manif, les messages électroniques sur la toile, les informations, les idées nouvelles, l’éducation, l’Histoire, les Connaissances, les flux financiers, la construction de l’Avenir, le Progrès technique, les flux monétaires, les découvertes, les inventions, les Croyances et les Sciences. Grâce à son principe moteur, à sa fonction, la machine a de la Promotion, elle atteint au concept ! ! ! Remarquons (et ce n’est pas indifférent) qu’on lui fournit de l’énergie, et par gravité ou sous pression la fluence des particules hétérogènes et pulvérulentes Dans cette boîte noire, pas de chimie mais des compositions qualitatives, des difficultés de circulation et d’écoulement, des osmoses, des transferts, des traversées étonnantes, des inversions de sens, des cribles labyrinthiques et des critiques acerbes, des obstacles, des accidents, des rencontres aléatoires, des coups de freins, de l’aide catalytique, des boucles de rétro-action positive, ou d’asservissement, des systèmes moteurs ou inhibiteurs, accélérateurs ou ralentisseurs,…
Nous serons dans une autre webzette conduits à nous interroger sur la validité de la métaphore, sur la sémiologie du modèle et sur la pertinence linguistique du vocabulaire proposé ! ! ! Tout en nous gardant d’un sérieux excessif et pontifiant. !
On peut d’ores et déjà jeter un coup d’œil au labo
et voir le Percolexique N°2
L’esprit scientifique
Le lycéen qui prétend que les mathématiques sont l’art de raisonner juste sur des figures fausses aborde un peu la question comme Gaston Bachelard l’aborde par l’étude de l’intersection des approches de l’image descriptive et du concept explicatif,
Rendre géométrique la représentation, c’est-à-dire dessiner les phénomènes et ordonner en série les événements décisifs d’une expérience, voilà la tâche première où s’affirme l’esprit scientifique. C’est en effet de cette manière qu’on arrive à la quantité figurée, à mi-chemin entre le concret et l’abstrait, dans une zone intermédiaire où l’esprit prétend concilier les mathématiques et l’expérience, les lois et les faits. Cette tâche de géométrisation qui sembla souvent réalisée- soit après le succès du cartésianisme, soit après le succès de la mécanique newtonienne, soit encore avec l’optique de Fresnel – en vient toujours à révéler une insuffisance.
Tôt ou tard, dans la plupart des domaines, on est forcé de constater que cette première représentation géométrique, fondée sur un réalisme naïf des propriétés spatiales, implique des convenances plus cachées, des lois topologiques moins nettement solidaires des relations métriques immédiatement apparentes, bref des liens essentiels plus profonds que les liens de la représentation géométrique familière. On sent peu à peu le besoin de travailler pour ainsi dire sous l’espace, au niveau des relations essentielles qui soutiennent et l’espace et les phénomènes. La pensée scientifique est alors entraînée vers des «constructions» plus métaphoriques que réelles, vers des «espaces de configuration» dont l’espace sensible n’est, après tout, qu’un pauvre exemple. Le rôle des mathématiques dans la Physique contemporaine dépasse donc singulièrement la simple description géométrique. Le mathématisme est non plus descriptif mais formateur. La science de la réalité ne se contente plus du comment phénoménologique elle cherche le pourquoi mathématique.
Bachelard démontre au long de son livre (La formation de l’esprit scientifique.Vrin,1938) le destin grandiose de la pensée scientifique abstraite qui doit parfois s’opposer à l’obstacle géométrique de l’expérience concrète et réelle, naturelle et immédiate. La connaissance générale, la philosophie (?) a ralenti les progrès de la connaissance scientifique. “Tout philosophe a sa science à lui” et “tout savant a sa philosophie”. Il convient de se méfier de la jouissance intellectuelle dangereuse dans une généralisation hâtive et facile, et des constructions métaphoriques.
On peut rappeler à ce propos la querelle d’Alan Sokal ( Impostures intellectuelles 1997) faite aux Sciences Humaines et à la Philosophie “Notre but n’est pas de critiquer le simple usage métaphorique de mots évocateurs , mais plutôt l’invocation de termes et de concepts scientifiques fort techniques, en dehors de leur contexte, sans qu’aucune justification empirique ou conceptuelle ne soit donnée à cette démarche”.
Bachelard était épistémologiste, toute son oeuvre est empreinte de rigueur scientifique, de vigilance sémiologique….et de Poésie.
Le “mot” de Calaferte
Les conditions de la consistance textuelle.
Trop souvent dans l’analyse d’une oeuvre ou simplement d’un texte, le postulat de l’unité. du caractère total est subrepticement proposé, réduisant ainsi la complexité réelle, pour pouvoir mieux l’oublier. Ainsi se révèle une profonde méconnaissance du sens de la notion de condition ; est condition non pas ce qui est donné au départ, une cause originelle au sens empirique du mot, mais ce principe de rationalité sans lequel nulle oeuvre ne saurait être mesurée. Connaître les conditions d’une production, ce n’est pas ramener le processus de cette production à n’être que le déploiement d’un germe en lequel tout le mouvement du possible serait une fois pour toutes anticipé, dans une genèse qui n’est que l’image renversée d’une analyse; C’est au contraire mettre en évidence le processus réel de sa constitution: montrer comment une diversité réelle d’éléments compose par percolation l’oeuvre ou le texte, et leur donne consistance. Il en est ici comme de la condition humaine, de son évolution, de sa genèse qui ne saurait être réduite à une origine et fait la part belle à l’adventice et à la greffe.
LES CH’TIS.
Quant à comprendre un tel succès du film ” Les Ch’tis”, la Tribune de Genève “se risque à deux hypothèses. Tout d’abord, ce film survient au moment où une grande partie des Français exprime son ras-le-bol devant le comportement de nouveau riche adopté par le président Sarkozy et son entourage. La valse des Rollex, yachts Bolloré, palaces avec belles en Prada incorporées leur porte sur les nerfs – surtout à un moment où nombre de ménages lorgnent avec angoisse le prix de l’entrecôte. L’autre hypothèse concerne surtout les élites parisiennes. Dans les années 1940 et 1950, le cinéma français célébrait la Provence et Marseille. L’accent de Raimu embaumait les salles enfumées de Paris. Et puis, la Provence a vieilli. Les retraités ont réchauffé leur âge à son soleil. Le vote Front national s’est répandu. Et c’est tout juste si, de Paris, le Sud était encore fréquentable.” Merci au Courrier International.
Écriture-lecture.
Agréger et discriminer ou le percolateur et l’alambic !