Le Percolateur

Webzette n°22

 
 

Heuristique & Sémiologique

Webzette n°22  (Mois de juillet août )

Mais qui donc est Européen ?

Author : Gilbert — 11 Aug 2008

« Je me risque ici, avec bien des réserves, avec les scrupules infinis que l’on doit avoir quand on veut préciser provisoirement ce qui n’est pas susceptible de véritable rigueur, – je me risque à vous proposer un essai de définition, …un point de vue.

« Eh bien, je considérerai comme européens tous les peuples qui ont subi au cours de l’histoire les trois influences que je vais dire.

« La première est celle de Rome. Partout où l’Empire romain a dominé, et partout où sa puissance s’est fait sentir ; et même partout où l’Empire a été l’objet de crainte, d’admiration et d’envie ; partout où le poids du glaive romain s’est fait sentir, partout où la majesté des institutions et des lois, où l’appareil et la dignité de la magistrature ont été reconnus, copiés, parfois même bizarrement singés, – là est quelque chose d’européen. Rome est le modèle éternel de la puissance organisée et stable….D’autre part la race, la langue, la qualité de vainqueur ou de vaincu, de conquis, le cèdent à une condition juridique et politique uniforme qui n’est inaccessible à personne; L’empereur peut-être un Gaulois, un Sarmate, un Syrien, et il peut sacrifier à des dieux très étrangers…

« Vint ensuite le christianisme. Vous savez comme il s’est peu à peu répandu dans l’espace même de la conquête romaine… Mais, tandis que la conquête romaine n’avait saisi que l’homme politique et n’avait régi les esprits que dans leurs habitudes extérieures, la conquête chrétienne vise et atteint progressivement le profond de la conscience….Le christianisme issu de la nation Juive s’étend de son côté aux de toute race; il leur confère par le baptême la dignité nouvelle…

« Ce que nous devons à la Grèce est peut-être ce qui nous a distingués le plus profondément du reste de l’humanité. Nous lui devons la discipline de l’Esprit . Nous lui devons une méthode de penser qui tend à rapporter toutes choses à l’homme, à l’homme complet …Il doit de développer son corps et son esprit…De cette discipline la Science devait sortir, Notre science, c’est-à-dire le produit le plus caractéristique, la gloire la plus certaine et la plus personnelle de notre esprit. L’Europe est avant tout la créatrice de la science. Il y a eu des arts de tous pays, il n’y eut de véritables sciences que d’Europe…. Je me trompe, ce n’est pas l’Europe qui l’emporte, c’est l’Esprit européen dont l’Amérique est une création formidable. »

Paul Valéry
Extraits des Essais quasi politiques, La crise de l’esprit, r
Œuvre1 Collection Bibliothèque de la Pléiade Gallimard, 1975, Paris

On peut jeter un coup d’oeil sur Pour l’Histoire selon HegeL

Pour en savoir plus je conseille : Le Philolog

Religion du logiciel.

Author : Gilbert — 23 Jul 2008

Libération de ce jour (23/ 07/ 08) consacre 3 pages “été” à la fameuse querelle des deux chapelles informatiques qui dure depuis 30 ans, MAC / PC et à leurs guides : Steve Jobs et Bill Gate. Dans l’article l’auteur fait réference à Umberto Eco. Le choix de ce Sémioticien, de sa plume, de son humour m’ont comblé à tel point que je n’ai pu résister à l’envie de vous faire partager ces lignes de plaisir !
Une nouvelle guerre de religions modifie subrepticement notre, monde. contemporain J’en suis convaincu depuis longtemps, et lorsque j’évoque cette idée, je m’aperçois qu’elle recueille aussitôt, un consensus.
Ceci n’a pu vous échapper, le monde est aujourd’hui divisé en deux : d’un côté les partisans du Macintosh, de l’autre ceux : du PC sous Ms-Dos. Eh bien, je suis intimement persuadé que le Mac est catholique et le Dos protestant. Je, dirais même plus. le Mac est catholique contre-réformateur,empreint de la «ratio studiorum» des jésuites. Il est convivial, amical, conciliant, il explique pas à pas au fidèle la marche à suivre pour atteindre, sinon le royaume des cieux, du moins l’instant final de l’impression du document. . Il est catéchistique, l’essence de la révélationest résolue en formules compréhensibles et en icônes’ somptueuses. Tout. le monde a droit au salut.
Le Dos est protestant, voire carrément caIviniste. Il prévoit une libre interprétation des Écritures, requiert des décisions tourmentées; impose une herméneutique subtile, garantit que ‘le” salut .” n’est pas à la portée de tous. Faire marcher ‘le système nécessite un ensemble d’actes personnels interprétatifs du logiciel : seul, loin de la communauté baroque des joyeux drilles, l’utilisateur est enfermé dans son obsession intérieure.
On m’objectera que l’arrivée de Windows a rapproché l’univers du Dos de la tolérance contre-réformatrice du Mac. Rien de plus exact. Windows constitue un schisme de type anglican ; de somptueuses cérémonies au sein des cathédrales, mais toujours la possibilité de revenir au Dos afin de modifier un tas de choses en se fondant sur d’étranges décisions: tout compte fait, les femmes et les gays pourront accéder au sacerdoce.
Naturellement, catholicisme et protestantisme des deux svstèmes n’ont rien à voir .avec les positions culturelles et religieuses des usagers. ,Cela dIt, il est légItime de se demander si à la longue, au fil du temps, l’emploi d’un système plutôt que d’un autre ne cause pas de profondes modifications intérieures. Peut-on vraiment être à la fois adepte du. Dos et catholique traditionallste? Par ailleurs,Céline aurait-il écrit avec Word, WordPerfect ou Wordstar? Enfin Descartes aurait-il programmé en Pascal?
Et le langage machine, qui décide de notre destin en sous-main et pour n’importe.quel environnement.? Eh bien, cela relève de l’Ancien Testament, du Talmud et de la Cabale. Ah, encore. et toujours le lobby juif !
Comment voyager avec un saumon
Umberto Eco

Hélice spiralée, ou la trace du génie du monde.

Author : Gilbert — 20 Jul 2008

L’hélice spiralée ou la trace du génie du Monde.

hélice spiralée

hélice spiralée

...”Ce coquillage que je tiens et retourne entre mes doigts, et qui m’offre un développement combiné des thèmes simples de l’hélice et de la spire, m’engage, d’autre part, dans un étonnement et une attention qui produisent ce qu’ils peuvent : remarques et précisions tout extérieures, questions naïves, comparaisons «poétiques», imprudentes «théories» à l’état naissant… Et je me sens l’esprit vaguement pressentir tout le trésor infus des réponses qui s’ébauchent en moi devant une chose qui m’arrête et qui m’interroge.” …..D’après «Variété V de Paul Valéry.»

Percolexique n° 3

Author : Gilbert — 16 Jul 2008

La langue obéit à des lois qui semblent être celles de la percolation, soumise qu’elle est à l’étymologie, à l’ Histoire, aux contraintes contextuelles, à l’usage, aux perversions, à des facilités, aux reconnaissances de la Chaire comme de la Tribune. Parcours sinueux s’il en est mais toujours inscrit dans la perspective de l’échange, la langue est elle-même son propre outil de transformation qu’elle soit écrite ou parlée, auto-créatrice, inventive naturellement. Plutôt sensation que bruit, murmure léger, l’écriture (comme la lecture) engendre un mécanisme de production de sens, visant à animer un “terrain de jeu” . Ici, la pensée se développe, s’étend, se plie, se déploie, et procède par fragments épars, par blocs, associations d’idées, et dessine un réseau complexe de pistes, suggèrant autant l’inachèvement, que la possibilité d’achèvement.
Il n’est pas question ici de traiter de “création lexicale” mais tout simplement de jouer avec les lettres, les mots et leur musique, comme des signes en quête de sens sur cette petite aire de jeu de la PERCOLATION et du PERCOLATEUR. Plus ludique que savant ! Nous considérons que ces deux mots sont tels que proposés , métaphoriquement, dans les pages de ce site dédié à la Transmission. Cet “a priori” constitue déjà en soi, un saut considérable du comptoir ou du coin de table au lutrin, au scriban, à la bibliothèque où voisinent d”énormes dictionnaires, des recueils de poésies, des manuels de philo, de math et de grammaire,.. sous le regard sourcilleux mais cependant encourageant de Paul Valéry, Michel Serres et autres Montaigne ! ! (on voudra bien me pardonner si je ne suis pas à la hauteur de mes références).
Nous avons dans ces pages, beaucoup utilisé la métaphore, d’autant que le modéle appartient initialement au domaine de la physique, simple, banale de l’eau qui coule, dans un couloir, un tuyau, un colateur. Le percolateur ajouta la fonction perturbatrice du filtre et sa dimension aléatoire. La percolation désigna cet écoulement contrarié, dans son milieu obstaculaire et enrichissant, le terme fut adopté non seulement pour désigner les phénomènes de la mécanique des fluides et du fransfert des arômes ! mais aussi par les sciences humaines pour les questions que posent les notions de circulation, de transmission, de rétention, d’altération, de propagation, de sélection, de ségrégation, de transport, d’échange,…La percolation en arrive à s’ interroger sur elle même, sur son entropie, car son domaine privilégié c’est le signe et le sens, et leur diffusion ! !
Nous avons sur ce site comparé les fonctions du percolateur et celles de l’alambic, ces deux machines partagent la même paillasse au laboratoire sémiologique.On appelle distlllat le produit de la distillation, ce qui me conduit, grâce à cette proximité et à une certaine logique de désigner par “percolat (que l’on peut qualifier de textuel mais cela va de soi !) le produit de la percolation,. Je désigne par le mot “percologue“, sur le modèle de catalogue le “nuage de mots”, véritable célébration logorrhé!que et pratique du percolateur et de son percolat. Toute lecture est une “percolecture et tout lecteur un “percolecteur”. Il est aussi une caractéristique importante de la percolation, l’hétérogénéité et la fragmentation des éléments qui lui sont soumis ; c’est ainsi que je me réfère au bris-collage, et de prétendre que la percolation est un percollage…et surtout qu’elle est percoludique !!!!!

On peut aussi jeter un coup d’oeil sur : Percolexique n° 2 et Percolexique n°1

Ainsi que sur “à la fortune du mot”

Habitus et Coutume

Author : Gilbert — 9 Jul 2008

Habitus et Coutume, L’habit qu’il exhibe fait le moine, montre la foi qui l’habite et l’habilite parmi les siens.

Devoir, habit, habité, habitude, habitué, habile, habilité, habileté, exhiber, habitat, rédhibitoire, …tous ces mots appartiennent à la famille d’ AVOIR ; du latin “HABERE, HABITUS”, tenir, se tenir, qui a en germanique de nombreux correspondants : allemand HABEN, anglais TO HAVE, Notons que cette riche famille s’auto-distingue, s’auto-désigne par un terme dérivé de l’Anglais (et de la même racine latine, qu’il ne saurait renier ! !) le BEHAViORISME, théorie et étude du COMPORTEMENT !
On voit bien que cette famille lexicale devait séduire la sociologie et les sociologues, prodigues créateurs de concepts !
Au hasard de mes lectures, j’ai rencontré récemment un très bon petit livre de Gilles Ortlteb : Sous le crible (éditions Finitude; 2008) dont je vous livre un extrait, épiphane ! ! :

« I.’année où nous vînmes ici, j’aperçus un lièvre debout, grand comme un enfant habillé... »(Audiberti, Dimanche m’attend). Tout est dans l‘«habillé», évidemment, qui fait aussitôt penser à petit costume, raie à gauche, bottines lacées – sur quoi vient mentalement s’imprimer l’image du lièvre. Grand et debout, dès lors, coïncident L’ habit ne fait pas le lièvre, mais il l’ aide à se tenir debout.”
Les dictionnaires s’essoufflent à suivre cette sémantique foisonnante ! !

HABITUS :
a). Sens commun : « manière d’être » (Le Robert).
b). Sens philosophique : « phénomènes d’habitude sociaux qui peuvent se produire sans que ceux qui y participent en aient conscience : on en voit des exemples dans le langage et dans les mœurs » (André Lalande, Dictionnaire technique et critique de la philosophie. PUF, Quadrige, 1997).
c) Sens médical : désigne l’apparence extérieure en tant qu’elle traduit un état général du sujet (n’est pas lié au sens commun). Malade est une contraction tardive de « male habitus » .
d) Sens sociologique : « ensemble de dispositions durables où sont intégrées les expériences passées. Il fonctionne comme une grille de perceptions, jugements, et actions (…) » (Madeleine Grawitz, Lexique des sciences sociales. Dalloz, 1994).

Les sociologues ( et particulièrement Bourdieu) ont décrit et étudié l’aptitude des individus à s’orienter spontanément dans l’espace social et à réagir de façon plus ou moins adaptée aux événements et aux situations. Il n’y a rien de miraculeux dans cette spontanéité puisque tout champ exerce sur les individus une action pédagogique multiforme ayant pour effet de leur faire acquérir les savoirs indispensables à une insertion correcte dans les rapports sociaux ; le maintien de l’ordre existant et la reproduction des structures sociales reposent pour une très grande part sur ce travail éducatif, sur cette immense et incessante entreprise d’apprentissage et d’inculcation. un certain type de rapport global à autrui et aux choses, à la vie et au monde, qui une fois inculqué et constitué va engendrer, chaque fois que les conditions s’y prêteront, une foule de comportements particuliers mais tous bâtis sur le même principe, et ayant par là-même une étroite ressemblance. Habillé de la même façon (cet habit là est souvent un uniforme). Il y a là de la percolation, de l’ontologie, de la généalogie sans-gène (!), la reproduction de l’HABITUS. Et si l” habitus était à l’individu ce que la coutume est au groupe ? avec une percolation partagée.

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