Le Percolateur

Webzette n°14

 
 

Heuristique & Sémiologique

Webzette n°14  (Webzette du mois de mai 2007 )

Cueillette de printemps

Author : Gilbert — 29 May 2007

Cueillette de printemps

Photo d’Anne François ©2007-05

Schizochaîne

Author : Gilbert — 20 May 2007

SCHIZOCHAINE

J’interviens dans cette page (couioir, webzette 14) en introduction du texte :”la chaîne et le rhizome” (Verbe – webzette 14)
J’ai hésité avant de vous proposer ce texte que j’ai écrit pour le Journal Libération et qui fut publié le 23 Juin 1981, parce que j’ai vieilli (26 ans de plus! !) et que le contexte d’écriture a changé.
Pour des raisons professionnelles et par intérèt passionné (presque addictif) pour la sociologie des médias,(c’était l’époque de Mac Luhan, des radios pirates puis libres, de l’avènement des caméras vidéo portables et de leurs magnétoscopes, des ordinateurs domestiques, des minitels…..) j’ai été conduit a m’intéresser à la pression de la technique et de la technologie sur la Société.
J’avais lu les Hermès de Michel Serres, les livres d’Edgar Morin, d’Henri Laborit, de Joël de Rosnay, d’Henri Atlan, ……… et puis surtout fin 1980 ce fut la révélation de “Mille Plateaux” de Deleuze et Guattari, Les outils conceptuels fournis par ces auteurs m’ont permis d’avoir un regard sur l’époque des années 80 mais aussi sur le temps long et l’avènement de la Toile.
Ce constat m’a conduit à considérer que ce texte pouvait éclairer notre actualité de 2007.
Je voudrais préciser que je n’ai surtout pas le projet, ni les moyens d’épuiser le concept de rhizome, ni d’en faire le tour. C’est sans doute un des outils de réflexion philosophique les plus importants de notre époque( “où beaucoup de gens ont un arbre planté dans la tête” ) – lu dans Mille Plateaux.

La chaîne et le rhizome

Author : Gilbert — 20 May 2007

La chaîne et le rhizome.
Je vous propose un texte que j’ai écrit en mars 1981 pour le Journai “Libération” et qui a été publié le 23 juin 1981. Je vous conseille avant sa lecture de vous rendre à la page “Couloir” de cette Webzette 14 où sous le titre : “Schizochaîne” je vous explique rapidement les raisons de cette réédition.

Et le chêne répète ses glands

Miche! Serres prétend que la botanique sera la reine des sciences ( à l’instar de la biologie actuelle), Elle permet, en tout cas, à Deleuze et à Guattari {Les mille plateaux) de nous proposer un outil de réflexion intéressant le concept de “rhizome” qu”ils opposent à celui de l’arbre.

L’arbre est enraciné, Il se développe en rameaux à partir d’une forte unité principale, vitale, indispensable. Il est centré, centralisé. et hiérarchique. il relève de la mémoire longue (ex: la famille). Il est généalogique. Ses canaux de transmission et de liaison sont préétablis. Mais s’il y a l’axe autoroutier il y a aussi les sentiers dans la campagne ef leurs promesses de rencontres fortuites et aléatoire.

Les sentiers relèvent du rhizome. Le rhizome se développe en concrétions bulbeuses, en tubercules. “N’importe quel point du rhizome peut être connecté à n’importe quel autre”. Il est hétérogène et multiple. il n’a pas de début, il peut être rompu, brisé en un point quelconque. (La fourmilière se reconstitue après avoir été dispersée par le promeneur) Il est souple, adaptable, étranger au génératif, moléculaire et anarchique.

Depuis trente ans, le schéma technique de la TélévIsion est avant tout un arbre. Un arbre avec la racine fortement pivotante d’un centre de production avec un tronc hertzien rigide et un point de ramification : l’émetteur. La technique de diffusion subit les contraintes du territoire : obstacles géographiques, lois de propagation de Fresnel….Au bout des rameaux, le récepteur de télévision, fruit fortement attaché (on dit se brancher) se nourrit de la substance même du tronc hertzien (ondes HF) et de sa racine pivotante (le Programme). La chaîne (tel le chêne) est fragile parce que rigide, elle ne s’adapte pas elle se rompt sous le boutoir de l’arrêt de travail d’une catégorie de personnel ou de la coupure secteur. La chaîne de télévision n’existe que dans un intervalle de temps entre le début et la fin du programme, le téléspectateur doit s’adapter à cette rigidité, s’y conformer, la faire sienne.

L’arbre télévision pousse ses rameaux rigides jusque dans le quotidien de chacun. Trois chênes ne font pas une forêt mais trois arbres ou un arbre à trois racines, avec la même raideur fragile et au bout la même contrainte sociologique. Et le chêne répète ses glands ! Au centre d’un récepteur de TV, il y a l’étage vidéo. Riche de virtualité cette boîte noire et son système détecteur se libèrent des étages HF et de la sève hertzienne. C’est de là que tout est remis en question, de cette séparation, de cette autonomisation de l’écran. Relié au téléphone (télématique), à l’ordinateur domestique, au pupitre de jeux, au tuner (récepteur HF du réseau terrestre, satellite et câblé, télé locale, ..) au magnétoscope (vidéothèque, production de la caméra personnelle,..) Il tient une place analogue à celle des enceintes HI FI (grosses de la multiplicité sonore). Ce bourgeonnement rhizomorphe condamne les chaînes à n’être plus que des fournisseurs de programmes PARMI d’autres, on peut se “débrancher”. Le système perd son centre et l’on assiste à une prolifération quasiment anarchique. Autour de l’écran vidéo, le groupe gagne en autonomie (même par rapport à l’arbre énergétique par la faible consommation de ses composants) et s’ouvre à la multiplicité des sources. Des réseaux informels se constituent sans territoire, comme ceux des fanzines, les réseaux les plus souples de la culture. NETWORK-PATCHWORK. Les trames se jouent de la rigidité des chaînes. Points de chaînette sur canevas troué; tissu fractal et lacunaire. Développement turbulent et anti-clone. Les notions de carrefour, d’heures d’écoute privilégiées disparaissent. Le temps est découpé, récupéré et maîtrisé (magnétoscope à enregistrement programmé). La possibilité existe enfin de rechercher le temps perdu et de le retrouver. Au travers de la linéarité chronologique s’inscrivent les obliques des choix individuels. Schizo-chaîne.

Les forêts relèvent du rhizome avec leurs morts, leurs renaissances, leurs mouvances ,leurs clairières, leurs exubérances, leurs entrelacs buissonneux. Le rhizome peut, lui aussi, cacher des concrétions arborescentes, un enracinement brutal. Subrepticement le rhizome vidéo peut nourrir en son sein l’arbuste de la culture officielle ou le bonzaÏ de la technologie monopolistique. “Small is beautifull” , le petit s’agglutine et parasite à l’occasion le grand, touffe de gui sur la chaîne. Mais qui peut dire s’il n’y a pas quelque part un gland qui aurait échappé au mouvement tourbillonnaire, prêt à germer en une nouvelle rigidité, sous l’action d’un jardinier tel Big Brother ? Les tribus nomades susciteront-elles le village planétaire, uniquement pour le parasiter ? Quel fabuliste nous le contera ? De ce hasard naîtra-t-il une nouvelle nécessité ? Quel botaniste-philosophe nous le dira ! !

Petit traité de Lugdunologie.

Author : Gilbert — 15 May 2007

Abrégé de Lugdunologie.
(Lugdunum, nom de Lyon à l’époque romaine, du Gaulois Lugd.)

«QUI NE GAGNE PAS N’EST PAS LYONNAIS» affichait, il y a quelques jours, un grand calicot au fronton de l’Hôtel de Ville, au lendemain d’une Victoire de l’OL. Formulée comme une sentence, énoncée comme un problème de logique, boursouflée et agressive, cette assertion m’ est apparue comme mal seoir à la« réserve lyonnaise» d’autant que son ostentation ravalait un symbole au rang de support publicitaire. Fallait-il, sans doute, faire la part du chauvinisme qui affecte les fans du foot, ici, comme ailleurs. Dans la bouche de Guignol le slogan aurait eu sans doute un autre sens, mais l’Hôtel de Ville n’est pas un castelet. Et puis, comment peut-on « être ou ne pas être Lyonnais» ? !
Étonné, choqué, je n’étais capable de répondre que par le recours au légendaire, au proverbial ; je me référais à « Lyon, la distante, la retenue, la discrète… » c’est à dire à ces clichés véhiculés de bouches confidentes en oreilles complaisantes, d’almanachs en cartes postales, de générations en générations, qui résistent plus au temps que la brume fameuse à la disparition des losnes , aussi installés que le saucisson de cette bonne ville et le troisième fleuve de sa région. Je restais dans le domaine des idées reçues, des poncifs, sans aller au-delà, sans essayer de creuser pour atteindre à leur travers quelque archétype ou mythe fondateur, un noyau dur. il fallait que je trouve une autre méthode pour découvrir à cette ville une Propriété première, susceptible d’expliquer sa Singularité (pas question ici d’Identité dont la quête me paraît aussi vaine que ridicule).
Il m’est apparu. à la réflexîon, “que la question se posait en terme d’écologie et non de généalogie” l’ écologie se définissant comme le système de relations avec un milieu naturel et social. L’insularité, l’enclavement, l’ adossement génèrent repli et immobilisme.
Une cité c’est un site légué par l’histoire géologique, tellurique. Lyon.c’est d’abord le confluent du Rhône et de la Saône, celui-là ouvrant à l’est, celle-cî au nord et à l’ouest et les deux réunis au Sud vers la Méditérranée~ Les fleuves s’incrémentent d’affluents qui sont autant de voies de communication par les brèches, les couloirs qu’ils creusent dans le relief. Les migrations, les déplacements de Populations, des tribus, des guerriers, des marchands… sont favorisés par cette ouverture éminemment cardinale. Le confluent est un carrefour, lieu de rencontre et d’ échange, les langages, les langues, les cultures suivent les mêmes chemins.
II semble qu’un des mots clés de notre cité pourrait être: confluence, des hommes, des choses, des mots et des idées. Cette métaphore n’est pas nouvelle, elle fait partie, de ces clichés précédemment stigmatisés, mais la confluence est souvent confondue avec la convergence. La convergence se cartograpbie, elle se pointe à une intersection de lignes, point de ralliement, objectif, but .Toutes les routes (de la croyance) mènent à Rome; toutes les routes de la monarchie absolue et de la République jacobine conduisent à Paris.
II ne s’agit pas de baguenauder, malheur aux hérétiques, aux jacques ou aux dilettantes qui empruntent les voies de la convergence. La convergence est affaire d’itinéraire et de mobilisation, de guerres et de pèlerinages. il y a du pouvoir au bout. Le chemin de Saint-Jacques est balisé, les manifs vers la Bastille ou la Nation sont encadrées. La confluence est tout autre, même si vue de Sirius elle est perçue comme une convergence. Tout change en ce lieu de passage. Elle n’est pas un terme, elle est phénomène en soi, des plus complexes, nous apprend la physique des fluides. Elle échappe aux outils de calculs les plus élaborés, à la schématisation. La confluence c’est le lieu, mouvant et flou, de toutes les rencontres, des courants, des affluences, des influences, des compositions, des flux et des reflux. de la turbulence, du brassage, des infiltrations, des résurgences, des percolations, des vortex, des malstroms, des tourbillons… La confluence accède au concept. Lyon, par son site, son histoire géologique, sa longue tradition du passage et de l’échange multiple et divers, a la propriété de confluence qui la singularise. II se manifeste ici une sorte d’esprit du lieu qui imprègne ceux qui, résidants ou passants, sont habités par cette ville. Ce phénomène ne légitime une quelconque identité mais explique son étonnante créativité dans tous les domaines de l’activité humaine.
La confluence se manifeste aussi par de la mousse, de l’écume et des bulles (!!!!!) comme celles qui érigent en emblème un slogan de tee-shirt. Ce faisant, elles deviennent souverain poncif pontifiant qui inscrit au frontispice par une sentence négative et exclusive, la circonscription sphérique du ballon d’une prétendue “lyonnitude”. Hors jeu et carton rouge.

NB- Cet article d’humeur a été écrit il y a 3 ans (été 2004). J’ai pensé le reproduire pour l’exposé rapide que j’y fais de ma conception de la construction complexe des communautés humaines, à l’encontre de la notion simpliste (et souvent meurtrière) de l’identité généalogique. Percolation !

Par dessus le Z .

Author : Gilbert — 2 May 2007

Par dessus le Z ou la place de la Lettre

Il y a une trentaine. d’années je découvrais le mot et le concept de différance avec Jacques Derrida. nous avons eu l’occasion d’en parler dans ces colonnes, je ne veux pas revenir sur le concept mais évoquer le mot. Différance est un mot qui s’auto-détinit, s’auto-désigne, s’auto-signe. Parmi la centaine de néologismes créés par Jacques Derrida il est sans doute .l’un des plus lisibles parce qu’il est conforme aux règles grammaticales de la création lexicale française; le« a » à la place du « e » rompt avec l’héritage latin mais conserve la phonétique et sa filiation avec le verbe « différer» dont il utilise le participe présent pour faire de la différance une différence mobile, dynamique, en train de se produire et non figée, statique, donnée, originaire et déterminante. (Le Grand Robert entérine le terme reconnaissant son auteur et confirmant son domaine).
Il y a six ans une jeune femme m’offrit l’un des premiers exemplaires d’un recueil de poésies qu’elle venait d’éditer à compte d’auteur. Je la connaissais et savais qu’elle avait été très malmenée (croyez-moi c’est un euphémisme) par la vie, rien ne lui avait été épargné, ni à son entourage. Le recueil était introduit par un court incipit où elle évoquait avec pudeur et retenue son existance, J’écris bien , avec un « a». J’étais catastrophé, c’est elle qui avait saisi et mis en page son texte, ce n’était ni une coquille d’imprimerie, ni une faute d’orthographe. Me souvenant de la désinence derridienne j’ai lu ce mot comme un « lapsus graphique », comme la révélation d’un refus inconscient de l’existence comme état, fatalité et de la foi en une existence à construire; je devinais derrière le mot la volonté de renaître sans oublier ce qui fut, de se conjuguer au futur, de devenir. Son doigt, sur le clavier avait dérapé du « e » au « a » par -dessus le Z, décidant de lier une existence passée à une existance possible. Le « z » n’était plus la deuxième lettre du clavier ni la dernière lettre de l’alphabet mais l’icône du chàngement de « sens ». Un signe de résilience ?
Il y a un an, lors d’une conférence à l’Ecole des Beaux Arts de Lyon, Bernard Stiegler développa entre autres l’un des thèmes fondateurs de sa philosophie: « l’homme existe moins qu’il ne consiste », puis dans Mécréance et Discrédit (Galilée) : « L’existence est entre subsistance et consistance, et seule une consistance, comme idée, peut animer un processus d’individuation, comme ce qui devient” . Je me livre, alors, à une sorte d’archéologie : l’indo-européen STA (être debout) se dérive en latin en SISTERE (mettre debout, placer) dont j’ai dénombré 8 dérivés latins qui se sont déclinés en 8 verbes français (assister, consister, désister, exister, insister, persister, résister, subsister). Tous les noms dérivés se terminent par “ance” sauf existence. De tous les critère( transitivité, morphologie, …) l’histoire du mot est la plus pertinente pour expliquer cette distinction. Seul « existence» existait en latin (exsistencia), les autres noms ont été forgés au 16e siècle à partir du participe présent des verbes francisés, selon les règles de la dérivation de langue française. Le mot existence est antérieur à tous les autres, servant de modèle, le Français donnant la règle. On pourrait considérer que la notion d’existence est enveloppante de toutes les autres sans se réduire à aucune d’entre elles: l’existence est « le fait d’être », les autres définissent « les processus, les modalités de l’être ». Le Z sépare, alors, le produit de ses facteurs, le complexe de ses composants; le dérapage du doigt ne fait que révéler la trace fossile d’une orthographe et d’une dure réalité anciennes !
Mais je dois céder à l’insistance du correcteur d’orthographe qui s’énerve et souligne de rouge la moitié de mon texte!!!!!!!

(Texte écrit en Mars 2005 pour la Gazette de la librairie “A plus d’un titre”, Lyon).

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