L’Histoire entre anté et enté.
Qu’il s’agisse de l’Histoire des idées, des sciences, des langues, … la quête de l’origine paraît sinon vaine du moins affectée par l’idée simpliste et réductrice d’une source unique et ponctuelle et d’un déroulement linéaire du temps, d’une chronologie qui serait une généalogie, d’un espace qui ne serait qu’un cadastre liminaire. La cosmologie, l’anthropologie, l’ontologie ne sont pas un long fleuve tranquille qui sourdrait d’UN point situé dans le temps et l’espace, d’un « top, c’est parti » ou d’un «Fiat lux » jaillissant de « l’ex-nihilo ». Le clepsydre, le sablier, le cristal de quartz, ne mesurent que des durées, repèrent des instants sur un axe où l’on fixe une origine arbitraire dont on sait, quelle que soit sa place, qu’elle aura toujours un ANTE. Les sources sont multiples, et si le chronométreur a quelque difficulté avec l’INITIAL, le géomètre doit savoir qu’il y a toujours un au-delà à la limite qu’il jalonne, un AILLEURS et que son tracé est poreux.
Thalès, le grec alphabétique (donc homme de paroles et algébrique), le rationnel héritier de mythes antérieurs, traverse la Méditerranée et rencontre l’Egypte hiéroglyphique des arpenteurs et des dessinateurs (hommes de tracés et de plans), et sa civilisation propre. La géométrie (qui est un discours abstrait sur le dessin) naît de cette greffe, de cette ENTE des écritures et des cultures. Hybride.
Il y a plus de 4000 ans un potier égyptien surchauffe accidentellement sa terre, elle se vitrifie. Archimède, homme de principe utilise ses miroirs métalliques concaves contre Rome. Les bésicles d’Armati de Florence. La « Camera Obscura » promue par Léonard de Vinci. L’alchimie puis la chimie découvrent et étudient des substances sensibles à la lumière (qui laisse une trace ! ) à partir du 16ème siècle. Descartes, l’analyseur rationnel des phénomènes lumineux démystifie l’arc en ciel. Galilée et sa lunette. Newton. Les coniques de Pascal. La lanterne magique du Père Kircher. A l’optique géométrique succède l’optique physique, la lumière révèle sa complexité corpusculaire et vibratoire. Effet photo-chimique puis photo-électrique. Découverte de la « persistance rétinienne » par l’abbé Nollet au 18ème siècle. Les Niepce et Daguerre inventent la photographie. Depuis le Moyen-Age les horlogers taillent des pignons entraîneurs et calculateurs. En 1830 Thimonnier invente le mécanisme : « pas à pas » pour sa machine à coudre… : ANTECEDENTS.
CONTEXTE : ce 19ème siècle, la pression latérale, cardinale et contemporaine de la « révolution industrielle ». Les frères Lumière, photographes, inventent le cinématographe né de l’hétérogénéité de ses sources, de la greffe de disciplines très différentes, de la rencontre de bricoleurs de génie et de savants dont le seul partage avait été le bonheur de la recherche et de la découverte. Ici pas d’histoire linéaire, pas de géographie précise, pas de téléologie (ni de théologie). Le cinématographe n’est évidemment pas une fin (ni terme, ni objectif), ni produit de convergence, ni aboutissement, mais un avènement dont on pourrait (après coup) mesurer la probabilité. Machine mnésique et instrument d’analyse du temps et du mouvement, le cinématographe joue un rôle déterminant dans le domaine de l’Art et de la Culture, certes, mais aussi dans celui des Sciences Physiques, Naturelles et Humaines. L’ente est bonne, le scion est à son tour porteur de nouvelles greffes et de fruits. Juste retour de l’emprunt à l’Humaine Histoire.