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Heuristique & Sémiologique

 

Armand Robin

Filed under: Invention,Webzette n° 2 — Author : — 4 Feb 2005 —

Armand Robin

La plupart de ceux qui connaissent Armand Robin l’ont approché sous l’une de ses multiples facettes : le poète, le traducteur, l’écouteur, l’anarchiste. Ce n’est pas un homme que l’on résume, que l’on réduit. Il est vrai qu’il a contribué lui même à entretenir son ambiguïté.

Armand Robin est né en 1912 dans une famille paysanne de Plougervenel (Cotes du nord)dont il est le 8e enfant : Je suis fabriqué dans une étoffe populaire, j’ai les gestes des fileuses prolétariennes dans mes gestes. Jusqu’à son entrée à l’école à l’age de huit ans il ne parle que le dialecte breton de son village natal, sa langue maternelle, celle de cet îlot terrestre, inchangé depuis le moyen-âge. Il a surgi de ceux qui n’ont pas de mots pour leurs cris. Il découvre la langue française en quittant son enfance meurtrie et pourtant féerique. Je me souviendrai toujours d’avoir appris le français un livre sous les yeux pendant que je marchais ; je lus d’abord Pascal…Venu de la plèbe et de la glèbe il avait, grâce cette seconde langue, accès à un monde de connaissances infiniment plus riche.

A Rostrenen comme à Saint Brieuc, Armand Robin est un excellent élève, il manifeste un don exceptionnel pour les langues(il en parlera plus de 25) et de sérieuses aptitudes pour la contestation(ses camarades le surnomment Voltaire).Il poursuit des études littéraires à Lyon(où il apprend, entre autres le polonais et le russe).

Sa fascination pour la langue française, sa sensibilité, sa qualité d’écriture le destine à une POESIE sans effet lyrique mais musicale, rythmée et d’une sincérité souvent imprécatrice .En 1935 il publie ses premiers poèmes : Offrande, Sans passé, puis Homme sans destin en 1936, Mort d’un arbre paraît en 1939,……Il écrira un seul roman :« Le temps qu’il fait », épopée de la lutte des paysans bretons contre la peur, la misère.

Très proche du parti communiste, en 1934 il fait le voyage rituel en U.R.S.S., son point d’ancrage, sa patrie mentale (deux ans avant Gide). Sans doute dans cette prédilection pour cette terre entrait-il ce que d’aucuns appelleront un préjugé de classe sociale. C’est une nouvelle rupture. Epouvanté il découvre une oppression qui passe par la parole, un déchaînement scientifiquement calculé de forces mentales obsessionnelles. Il prend, dès lors ses distances avec le parti communiste mais soutient le front populaire. Son apprentissage des langues étrangères répond à une double intention :celle de devenir ce qu’il est, de se faire sans seuil, sans sol, sans ciel et celle de coïncider avec le destin des opprimés en participant à leur résistance. Il lui faut travailler pour la parole et contre la fausse parole. Il est TRADUCTEUR. Personne en ce siècle n’a découvert et introduit en France autant de poètes étrangers (Les deux tomes de « Poésie non traduite » proposent 99 poèmes,45 auteurs en 19 langues)……Il traduit aussi le théâtre de Goethe pour la Pléiade.

Il se crée un métier ECOUTEUR, grâce à son don des langues et à un poste de radio ( ondes courtes) très perfectionné il affronte Babel et passe une grande partie de sa vie à l’écoute des radios étrangères et notamment des services de propagande soviétique.

Il a pratiqué jusqu’à l’ épuisement (14 à 15 heures d’écoute par jour) cette activité de dénonciation des « propagandes en tout genre, mécanique du mensonge, guerre psychologique, dénoncées par un poète qui sait ce que parler veut dire et qui réinvente, dans une langue connue de lui seul, le vrai usage de la parole ». Il rend compte de ses écoutes dans un bulletin bihebdomadaire réservé à un petit nombre d’abonnés : journaux, institutions, organismes, responsables politiques. Il est traversé de mondes bruyants, appelé par tous les cris. De 1945 à1961 il écoute régulièrement environ une cinquantaine de stations en une vingtaine de langues principales( dont le russe, le chinois, l’arabe,…) et en une trentaine de langues secondaires et dialectes (dont l’araméen, le japonais, le vieux slavon, le yddish, l’espéranto,….)

A la Libération, bien qu’il ait fait des écoutes pour la résistance, il est mis sur la liste noire du Comité National des Ecrivains. Il faut sans doute voir là l’action d’Aragon qui ne lui pardonne pas son anti-stalinisme. En 1945 il adhère à la Fédération anarchiste. Il collabore aux revues Combat et Le libertaire.

Il disparaît de son domicile le 27 Mars 1961.Le 30 Mars il meurt dans des circonstances non élucidées à l’infirmerie spéciale du Dépôt de la Police à Paris.

“Que m’importe qu’on m’abatte au coin de la rue, j’écrirai des poèmes jusqu’à ce qu’on me tue.”
On trouve les œuvres d’Armand ROBIN aux éditions “Gallimard,” “Ubacs”, “Le temps qu’il fait”, qui propose une nouvelle édition de « La fausse parole » de 2002.

Pour en savoir plus, on peut consulter le site “www.armandrobin.org”

 

 

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