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Heuristique & Sémiologique

 

Invention (de venire, ventus)

Filed under: Invention,Webzette n°19 — Author : — 30 Dec 2007 —

Le Percolateur pratique souvent cette sorte d’archéologie dans les origines, l’histoire des mots, l’évolution de leurs acceptions, en tentant de lire les dictionnaires, c’est-à-dire de préciser qu’elles peuvent être les intentions, les forces, les puissances ou les capacités d’action qui déterminent l’apparition d’un mot ou bien l’investissement d’un terme ancien par une idée neuve. C’est en cela que les dictionnaires témoignent : les acceptions s’y déposent en laissant les traces des intentions qui s’emparent successivement des mots ou qui s’y formulent simultanément et de manière concurrente.
Lisons Littré. L’invention y résulte du procès auquel correspond « inventer », que le dictionnaire définit comme l’action de Créer quelque chose de nouveau par la force de son esprit (sens 1), d’imaginer (sens 2), de supposer, controuver (sens 3). Littré fait ainsi valoir la précellence de l’idée de création, précisée par son caractère de nouveauté et rapportée aux capacités de l’esprit. L’invention est alors une faculté (« 1° Habileté  d’inventer, disposition à»), puis le produit de cette faculté (« 2 L’action d’inventer ») et enfin l’« action d’imaginer » ou le « résultat de cette action »
Littré ne mentionne qu’ensuite les valeurs attendues selon lesquelles invention est un « Terme de rhétorique » défini comme la « Recherche et choix des arguments que l’on doit employer, des idées que le sujet fournit, dont on peut faire usage ». Mais le terme connaît une spécialisation esthétique (sens 4), selon laquelle il est un « Terme de peinture et de sculpture », désignant le « Procédé mental par lequel on trouve les images sensibles propres à exprimer le sujet aux yeux du spectateur, qu’il s’agisse d’une idée abstraite ou d’un événement vrai ». Littré précise que le terme « se dit dans un sens analogue en musique ». Dans ces formules, on rencontre deux régimes de tension : un clivage bien connu entre invention et création, et le problème moins souvent relevé de la saisie de l’invention selon qu’il s’agit d’une faculté (elle relève alors d’une psychologie) ou d’un produit (mais comment le reconnaître comme invention ?). Deux séries, elles-aussi opposées, achèvent l’article. La première concerne les acceptions pratiques, et très généralement péjoratives, qui veulent que « invention » signifie « moyen, combinaison », envisagés comme expédients rusés, trompeurs, artificieux, voire diaboliques . C’est dans le même ordre d’esprit que l’on passe au mensonge et à la feinte. L’invention est alors l’« Action de supposer, de controuver », le « mensonge » Sens 5.

Selon le Dictionnaire Richelet (Dictionnaire françois, 1680), l’invention consiste à «avoir trouvé ou à avoir imaginé quelque chose de nouveau»; si le verbe trouver renvoie au réel, imaginer renvoie au fictionnel. On reconnaît donc que l’imagination participe à l’invention, mais on se méfie de cette «folle du logis» (Malebranche, De la recherche de la vérité, De l’imagination, 1674-1675) qui peut conduire à la divagation et dégénérer en folie; ce sera donc sa «force» ou «subtilité d’esprit» (définie en termes de génie.

Furetière, Dictionnaire universel, 1690) qui guidera le poète et exercera un certain contrôle sur son imagination. Contrairement à l’abbé Batteux qui fait de la nature créée par Dieu le seul modèle de l’artiste (Les beaux-arts réduits à un même principe, 1746), Marmontel explique que l’objet de la poésie c’est aussi «ce qui serait dans l’immensité du temps et de l’espace, si la nature développait jamais le trésor inépuisable des germes renfermés dans son sein» («Invention poétique», Eléments de littérature, 1787). Si la nature impose des limites à l’imagination, on lui attribue toutefois une certaine puissance créatrice; l’imitateur n’est donc qu’un «froid copiste» alors que le poète, doté d’imagination, est un inventeur. D’une esthétique de règles et d’imitation, on passe ainsi à une esthétique de l’imagination; d’abord associée à la maladie, à l’erreur et à l’errance, l’imagination a désormais droit de cité dans le domaine artistique (R. Saisselin).
Action de trouver, de découvrir (une chose qui existe mais jusque là inconnue). Synon. découverte. L’invention d’un trésor. (Dict. XIXe et XXe s.). En religion catholique : Découverte d’une relique; fête qui en perpétue l’anniversaire. Invention de reliques, de la Sainte Croix.

Étymologie et Histoire. (TLF) extraits raisonnés :
Du latin : venire.

1. 1re moitié XIIe s. « trouvaille dans la façon d’agir, trouvaille merveilleuse, merveille » (Ps. Cambridge, éd. Fr. Michel, Canticum Ysaie, 5, p. 263 : faites cuneüdes en puples les sues invenciuns [adinventiones ejus]).
2. a) 1270 relig. le jor de l’invencion sainte Croix (Gondrec. I, 6, A. Meurthe ds GDF. Compl.); b) av. 1514 « action de découvrir quelque chose (en général) » (LEMAIRE DE BELGES, Couronne margaritique IV, 139 ds HUG. : linvention de ceste gemme).
3. « ce qui est inventé » a) 1431 péj. « fable, mensonge » (ds ISAMBERT, Recueil gén. des anc. lois fr., t. 8, p. 707 : inventions laidengeuses); b) ca 1501 « création, trouvaille littéraire » (Jardin de Plaisance, éd. de A. Vérard, fo 223 vo, reprod. S.A.T.F., t. 1);
4. « action d’inventer » a) 2e moitié XVe s. « action, fait d’inventer, d’imaginer » ici, en mauvaise part : substitution de Jacob à Esaü par Rebecca (Mistere du Vieil Testament, éd. J. de Rothschild, 12863); b) 1530 « action de créer, de découvrir quelque chose de nouveau » (PALSGR., p. 220 a); 1588 l’invention de nostre artillerie (MONTAIGNE, Essais, III, VI, éd. A. Thibaudet et M. Rat, p. 886);
5. 1595 « faculté de créer, d’imaginer » (ID., op. cit., I, XXVI, éd. citée, p. 174 : l’apprehension tardive, l’invention lasche). Empr. au lat. inventio « action de découvrir, de trouver, découverte (spéc. au Moy. Âge Inventio Sanctae Crucis [3 mai] « fête rappelant la découverte de la croix du Christ » ca 530 ds TLL s.v., 151, 70, v. aussi BLAISE Latin. Med. Aev.); faculté d’invention, invention, rhét.; action d’inventer.

Ne pas s’affoler ! Il suffit de choisir une acception pour l’inventer ! !

 

 

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