Le Percolateur

Croisée

 
 

Heuristique & Sémiologique

Croisée  (Complexité, interdisciplinarité, intersection, confluence, interférence, composition, système et processus dialogique. )

Percolation selon Noelle Batt

Author : Gilbert — 3 Jan 2006

Je propose un extrait de la « Présentation » par Noelle Batt du n° 16 de la revue : « Théorie, Littérature, Enseignement » (TLE) des Presses Universitaires de Vincennes (automne 98) : percolations.

Faut-il rappeler qu’une métaphore vive est toujours fonctionnelle ? Si on la crée, si on l’invente, c’est que pour dire ce que l’on cherche à dire les combinaisons habituelles du discours se révèlent soudain plates, lisses, muettes. Nécessité fait loi. Déçu par le discours, on retourne à la langue. L’on furète, l’on écarte, et l’on découvre que oui, ce mot de percolation appartenant au paradigme de la physique-chimie et pourvu par métonymie d’un certain arôme pourrait bien, une fois arraché à son champ lexical et sémantique d’origine, décontextualisé et recontextualisé, contribuer à traduire cette pensée soudain conçue que l’on cherche à communiquer avec le plus de clarté et de justesse possibles. Car on a généralement recours à la métaphore quand on veut dire de façon précise ce qui se joue dans le flou, l’entre-deux, le complexe, là où les choses ne sont ni tranchées ni univoques, où tout choix d’un mot usuel est ressenti comme une amputation de la pensée. En fait, à bien y regarder, le trope qui tente de traduire les interférences, intersections, et traversées sémantiques par le biais d’une substitution de signifiant n’est-il pas toujours lui-même opérateur de percolation, machine à percoler ?

La percolation dans son acception générale et ancienne ‘ implique qu’une substance en traverse une autre et en ressort ni tout à fait la même ni tout à fait une autre. C’est une opération d’intimité, discrète mais avérée. On ne peut la nier. Le résultat se voit. Les qualités de la substance d’arrivée participent à la fois de celles de la substance de départ et de ce qu’elle a traversé. Hybride donc.

L’esperluette

Author : Gilbert — 25 Nov 2005

De l’époque romaine au 16ème siècle, les scribes, copistes et autres scripteurs avaient recours dans l’exercice de leur Art, pour des raisons d’économie (de temps, de papyrus, de parchemin,..) à des formes abréviatives, une sorte de sténographie, la ligature de deux lettres consécutives en un seul tracé. Economiques, certes, mais souvent illisibles. La ligature des deux lettres e et t de la conjonction de coordination « et », telle ( ? ) que nous la connaissons, remonte à l’époque mérovingienne, sa forme se stabilise (à peu près) à la suite de l’avènement de l’imprimerie. A cette époque la plupart des ligatures, devenues inutiles disparaissent, seule perdure celle du « et », &, l’esperluette. (On dit aussi : l’éperluette).

Pourquoi ce joli nom d’esperluette ? Les explications sont nombreuses et souvent de fantaisie poétique. Adoptons l’explication de Grévisse : ce caractère était, pour l’apprentissage de l’alphabet, placé après le « z » :……X Y Z & . Intégré et distingué. Les écoliers ânonnaient : ..vwxyz « et puis le ète » ; ce qui a donné : « esperluette ». Pourquoi pas ?

Il y a dans l’esperluette une sorte de redondance qui satisfait notre nostalgie hiéroglyphique, à tel point qu’elle prend (en particulier dans la communication commerciale) la valeur emblématique du blason expressif de sa devise, du logotype de son slogan. Peaufinée, voire idéalisée par les siècles, sans aspérité ni aigu, tout en rondeur, volute et volupté (travail de plume plus que de burin) l’esperluette exprime l’articulation. A cette croisée du signe et du sens, ce pléonasme pictographique, iconograhique et idéographique, cette mimésis de l’écriture phonétique se lit, se voit, s’entend comme écriture de la notion de lien, de relation, de nœud, de lacs, d’attache, de boucle….souples !! Arthrologique !

La conjonction de coordination sert à lier deux mots, deux parties du discours, des propositions de même fonction…Le « et » joue ce rôle et d’une façon plus spécifique relie les termes de l’addition (1et1 font 2), les éléments d’une énumération (le père, la mère et leur enfant), d’un mélange (l’eau et le vin), de la simultanéité (il pleut et il vente), etc… Bref, au-delà de ces fonctions que la grammaire lui impose, la conjonction « et » peut proposer, suggérer, un rapport inopiné, commutatif et dialectique, sans préjuger du type de relation, qui le plus souvent est complexe. Un « chaud et froid » n’est pas tiède ! Elle peut ouvrir un champ, un domaine, posant plus de questions que donnant de réponses, conjonction de composition, elle est un déclencheur de réflexion. Elle se distingue en cela de l’alternative du « ou », de la causalité du « car », de l’implication logique du « donc », de l’exclusive du « ni », de la réserve sceptique du «mais »,…qui flèchent l’assertion. « Je pense donc je suis », « je suis car je pense », apportent une réponse, alors que « je pense et je suis » constate, interroge et provoque la réflexion. Là, il semble que l’esperluette, &, (et sa mimologie) représente la clef (pensons à la clef de sol !!) qui ouvre un intervalle de combinaisons, d’associations, de corrélations, d’interactions, d’interférences, d’oppositions irréductibles…. Il y a dans ce caractère comme une boucle de rétroaction systémique ! « Pouvoir & communication ». « Pression & volume ». « Oxygène & hydrogène ». « Le hasard & la nécessité ». « L’être & le néant ». « Le chêne & le roseau ». « Mode & tradition ». « Filiation & adoption ». « Le capital & le travail ». « Esperluette & invention »…

Ainsi que l’esperluette, l’arobase @ a sa place sur le clavier des machines comme elle l’eut jadis dans la casse de l’imprimeur. Arobase est le terme, @ le caractère qui désignent le « à », le « a », élément du latin « ad », marquant la direction, le but à atteindre (adresser, adjoindre, adduire,..). Ici, non pas la trace fossile d’une ligature mais une fioriture, enveloppante spiralée, à laquelle on peut attribuer l’expressivité du mouvement centrifuge de la fronde qui vise une cible. L’image le dit, l’arobase est fonctionnelle, directive, univoque. Elle adresse, n’intéressant que le « préposé » du réseau pour la bonne orientation et la juste destination du courriel alors que « esperluette » rime avec « pirouette » et la mime ! Ici on est moins sérieux mais plus créatif !

L’Homme-déjà-là

Author : Gilbert — 4 Jul 2005

Nous revient la charge, encore et toujours, d’avoir à faire la preuve du bien, la preuve du vrai alors même que la philosophie et sa sœur aînée l’histoire étaient censées doter solidement et définitivement les hommes des outils nécessaire à cela. Ces grands monuments de la connaissance patiemment élaborés ont-ils implosé, ont-ils été sabotés, désertés, débordés ?

Au-delà de toute réponse se pose au premier chef ce constat : celui de l’impossible transmission, plutôt celui de la transmission impossible devenue, sachant que l’impossible ne réside nullement dans la nature de la chose à transmettre mais dans la perte des conditions élémentaires à toute transmission. (Ce sont ces mêmes conditions qui rendent possible la contestation de l’Holocauste par les négationnistes, n’est-ce pas).

Soit l’impossibilité pour une chose d’apparaître sur l’espace public, puisque ce dernier — vecteur absolu de l’essentiel de la transmission n’est plus libre ni de droit ni de fait comme il le fut de façon immémoriale, mais depuis peu arraisonné par la technique, affermé à la marchandise, asservi à l’économie, saturé de ce qui tient lieu de savoir et connaissance : la communication. L’ensemble de ce phénomène je l’ai nommé ailleurs l’Infini Saturé. L’existence de cette pratique ancienne d’un espace public libre (qui prend source historiquement dans l’Agora athénienne), d’un espace public res publica, semble déterminer encore aujourd’hui — tel un formidable vestige archéologique —, nos schèmes mentaux, nos structures de langage et nos catégories morales alors même que ce paradigme, qui fut valide durant des siècles, est devenu totalement obsolète et inopérant à présent, balayé par le virtuel qui nous tient lieu de réel et… d’espace public ; nous l’avons vu pour le bien et le mal, le vrai et le faux mais cela vaut pour des choses aussi diverses que le savoir, l’art, la nature, la démocratie, la République, les Droits de l’Homme, l’idée de peuple, de classe, d’appartenance et je pourrais multiplier encore les exemples… Bien sûr, d’autres objets sur le marché des valeurs symboliques sont venus s’y substituer : le progrès, la technologie, les loisirs, l’humanitaire, la science, la vitesse, l’environnement, le paysage, etc. mais surtout — première et indépassable — l’économie triomphante.

Un de ces schèmes mentaux, celui concernant la transmission du savoir, des codes, des pratiques est à examiner de plus près ; ce dernier posait et pose encore comme responsable de la transmission le détenteur en chef, l’Homme-déjà-là : indifféremment l’ancêtre, le maître, le père ou le « vieux », etc. A l’autre bout le novice, l’apprenti, l’élève, le « jeune », nouvel arrivant en posture de demandeur est censé hériter de ce savoir, l’acquérir. On voit immédiatement l’importance du bon fonctionnement de ce couple, la survie des sociétés — voire : des civilisations dont il est finalement l’essence du processus —, en a dépendu pendant des millénaires. Si nous sommes encore là, c’est qu’il a dû fonctionner longtemps, chacun des acteurs s’étant évertué à rester à sa place et à jouer correctement son rôle. Ce schème gouverne encore nos habitudes alors même qu’il est tombé en désuétude. Principalement pour la raison suivante : coté amont (l’Homme-déjà-là), le détenteur responsable de la transmission s’est démis de la plus grande part de ses responsabilités sur des « médias » pris au sens premier : moyens. Erreur fatale et grand sacrilège ! Ces médias qui furent et sont encore un terrain privilégié de la technique se substituèrent progressivement à l’Homme-déjà-là, c’est-à-dire à la Parole, c’est-à-dire à la médiation directe. Coté aval (jeune) il s’en suivit ce qui devait s’en suivre, par essence demandeur de Parole — c’est aussi sa condition de survie —, il va la chercher là où elle se trouve : sur les médias, sur l’espace public porteur ; fi, du même coup, de la médiation directe. Or il ne trouve que l’insignifiant bavardage de l’Infini Saturé, et cela il ne le sait pas et ne peut le savoir.

Bien. Il ne tient qu’à nous, me direz-vous, de le lui signifier. Certes, certes, mais c’est du boulot…

Il faudrait d’abord pour cela que nous ayons nous-même conservé cet héritage de nos pères, n’oublions pas que le processus ayant consisté à se départir de ce trésor au profit de médias est ancien ; si nous faisons abstraction de l’écriture pour nous en tenir à sa forme médiatisée majeure et première : le livre imprimé, cela date de cinq siècles ; du reste, livre comme presse présentaient hier encore les garanties d’une saine transmission… ce n’est qu’avec l’enchaînement photo-cinéma-télévision que se met progressivement en place sur l’espace public et envahissant l’espace privé la machine à décerveler d’Alfred Jarry. (Un détail reste qu’avoir hérité d’une parole ne garantit pas idéalement d’être capable de la transmettre, mais laissons ce point). Il faudrait ensuite que nous soyons nombreux à être en mesure de pouvoir effectuer cette transmission, or chaque année qui s’écoule voit se réduire le nombre de ceux qui pourraient maintenir ce cap, alors même que troisième et quatrième âge sont en passe de devenir la première classe d’âge. Face à lui (le « jeune »), face à nous (Hommes-déjà-là), se trouve la puissance d’une machine mondialisante qui compte de plus en plus d’acteurs et d’adeptes convertis, gagnés à la cause de l’Infini Saturé, imbus ô combien de ses vertus. Question d’échelle, l’Infini Saturé a placé la barre bien haut en matière de séduction, de visibilité, de ludique, de brillance, si haut que nul ne peut rivaliser avec lui sauf à y mettre des moyens semblables ce qui ira par définition à l’encontre de ce que nous cherchons à obtenir. L’Éducation Nationale par exemple — pressée — mais aussi empressée de faire bonne élève, s’est vite mise au diapason, précipitant ainsi son échec et le nôtre du même élan.

Enfin, dernier point et il me faut là inverser le jeu des responsabilités, il ne peut exister de transmetteurs que pour autant qu’il existe de demandeurs. Vu d’aval il est clair que le « jeune » n’est plus demandeur, il a plus qu’il ne désire sur l’espace public saturant : télé, ordinateur, Internet, images, publicités, musiques, vidéo, DVD, etc. Toutes les réponses lui sont donnés à ces questions qu’il n’a jamais posées ! Et en attendant d’avoir la panoplie à l’école, ce qui est en bonne voie, il l’a déjà au cœur de son espace privé, importée à la maison avec zèle et ferveur par l’Homme-déjà-là en personne ; j’ai affirmé plus haut que le « jeune » va chercher la parole là où elle se trouve, en réalité cela ne se passe pas tout à fait ainsi. Il ne va rien chercher du tout, ce n’est pas nécessaire car l’Infini Saturé vient à lui, il est conçu pour cela, il est conçu comme cela. Et que lui martèle jour et nuit l’Infini Saturé Grand Professeur ? Qu’il n’a aucun effort à faire pour être lui aussi — authentiquement — un Jeune-déjà-là.

C’est un schéma grossier, taillé à la serpe j’en conviens, il reste à nuancer mais l’essentiel est là, la règle est posée. À cette règle bien sûr il est des exceptions, lesquelles sont de peu de poids.

Surtout quand on a compris que se croire une exception est — de toutes les règles — la plus suivie.

Michel Guet

Consistance de la nation française

Author : Gilbert — 4 May 2005

Titre que je donne à quelques extraits de : « Regards sur le monde actuel » de Paul Valéry. (1931)

…….. , une carte où les mouvements de peuples seraient figurés comme le sont les déplacements aériens sur les cartes météorologiques, ferait apparaître le territoire français comme une aire où les courants humains se sont portés, mêlés, neutralisés et apaisés, par la fusion progressive et l’enchevêtrement de leurs tourbillons……

….La France a trouvé son individualité singulière dans le phénomène complexe des échanges internes, des alliances individuelles qui se sont produits en elle entre tant de sangs et de complexions différents.

…A cause des sangs très disparates qu’elle a reçus, et dont elle a composé, en quelques siècles, une personnalité européenne si nette et si complète, productrice d’une culture et d’un esprit caractéristique, la nation française fait songer à un arbre greffé plusieurs fois, de qui la qualité et la saveur de ses fruits résultent d’une heureuse alliance de sucs et de sèves très divers concourant à une même et indivisible existence.

Transmettre

Author : Gilbert — 4 Mar 2005

Extrait de : « TRANSMETTRE » de Régis DEBRAY (éd. Odile Jacob. 1997)

Que j’intitule : « Trace, outil de la mémoire et de l’évolution »

Un naturaliste a pu observer que nous étions la seule espèce animale capable d’influencer son évolution. Ce que nous sommes en effet, nous ne le sommes pas une fois pour toutes parce que nous ajoutons chaque jour un nouveau patrimoine non héréditaire à l’autre ‑ capable de rétroagir sur lui, comme on le voit avec l’ingénierie du vivant et les « manipulations génétiques ». Le transfert d’information codée dans les gènes, assuré à travers la chaîne reproductive des organismes, se poursuit mais par des voies non naturelles et au programme génétique du vivant en général, le vivant humain ajoute la prothèse technique. « La vie, observe Georges Canguilhem, fait depuis toujours sans écriture, bien avant l’écriture et sans rapport avec l’écriture, ce que l’humanité a recherché par le dessin, la gravure, l’écriture et l’imprimerie, savoir, la transmission de messages. » La vie propose une mnémochimie, la culture, une mnémotechnique, prolongement de la première par d’autres moyens. Ces ressources artificielles font un ressort commun à la constitution d’un savoir comme au déclenchement d’une histoire; l’agent d’un devenir et le producteur de connaissance ont eu l’un et l’autre besoin de ces suppléments de mémoire rajoutés au bagage biologique, dont l’écriture a été la plus notable. « Verba volant, scripta manent. » Des peuples sans écriture, ne dit‑on pas ordinairement qu’ils n’ont pas d’histoire ? « La différence entre l’histoire humaine et l’histoire naturelle, observait jadis Vico, c’est que nous avons fait la première mais pas la seconde. »

Observons à présent par quels outils se fait la différence.

« Méditer sans traces devient évanescent », constate Mallarmé. Géométrie ? Perdurance des figures d’Euclide. Christianisme ? Perdurance des paroles d’évangile. Peinture ? Perdurance de traits et pigments. La trace, par son insistance, transmue le souvenir individuel en souvenir social. Savoir, c’est se souvenir, rappelle l’esclave géomètre du Ménon. Faire ne l’est pas moins. Faire la révolution, en partie, c’est vouloir répéter les révolutions passées : révolutionnaire parce que conservateur. Nous avons tous lu que « les hommes font l’histoire mais ils ne la font pas librement, dans des conditions choisies par eux mais dans des conditions directement données, léguées par la tradition » (Karl Marx). Cette « tradition des générations mortes » que l’auteur du 18 Brumaire présentait comme une entrave « pesant comme un cauchemar sur le cerveau des vivants » s’est avérée depuis comme sa piste d’envol: pas seulement ce qui tire en arrière mais ce qui porte l’humanité en avant. Chacun sait que les subversions sont l’oeuvre des bons élèves et qu’avec les fidélités s’épanouissent les valeurs de rupture: une société qui ne se reconnaît plus d’ancêtres peut tirer un trait sur son futur. Encore faut-il que les actes ne s’évanouissent pas avec les vies, que les paroles survivent aux voix ‑ et les postulats d’Euclide à l’irrigation du cerveau d’Euclide. L’humanité se cuisine un avenir avec des restes ‑ glyphes, traits ou marques. Pierres gravées, rouleaux, stèles. Le préhistorien a besoin de documents osseux, et l’historien de documents tout courts (même si, la survivance d’un passé n’équivalant pas à sa connaissance, l’histoire comme science n’est pas simple mémoire mais critique de la mémoire). Pour le passage à l’humanitude comme éducation permanente de soi, la trace est stratégique. La diffusion à distance (alphabet, livre, audiovisuel) est secondaire par rapport à la fixation : si la première peut faire changer de civilisation, la seconde engendre rien de moins que la civilisation, soit le transport, éclairant l’avenir, d’un passé dans un présent.

Physicien du désordre

Author : Gilbert — 4 Feb 2005

Au cours d’une récente pérégrination bouquinistique j’ai découvert un ancien numéro de la revue AUTREMENT (collection : mutations, de 1983) intitulé : Les créateurs. Dans l’un de ses l’un de ses articles : « Physicien du désordre » la journaliste Lydia Elhadad nous présente le professeur Etienne Guyon, universitaire, professeur, chercheur en Physique (Paris, Marseille, CNRS,….) que je cite :

«…nous sommes partis d’un concept mathématique récent, la percolation, qui décrit comment un signal se propage à travers un réseau très incomplètement connecté, pour construire des modélisations simples…Ces recherches amènent à se poser une question fondamentale quant aux transferts de connaissances possibles des sciences physiques aux sciences du vivant et de la société… » Cette conception du savoir scientifique face aux thèmes explorés et aux méthodes d’approche relève sans doute de ce « nouvel esprit scientifique » qui accompagne les recherches sur l’épistémologie et l’histoire des sciences.(Michel Serres a utilisé cette même notion, pour écrire l’Histoire de la géométrie)

La percolation est un phénomène physique que l’on rencontre dans diverses situations : propagation des incendies de forêt, circulation automobile, conductivité électrique des alliages, mouvement de foules,……et en Histoire et dans la Transmission des Savoirs. La percolation se mathématise en termes de probabilité, de statistique et de graphe aléatoire. On peut donner au concept de percolation une dimension spatiale et temporelle et l’interroger sur l’intersection du calendaire et du cardinal. Bel outil.

LA PAILLASSE DU LABO

Author : admin — 15 Jan 2005

Dans ce laboratoire de la physique du texte, de la chimie du sens, de l’alchimie de la poétique ; parmi les cornues , les éprouvettes, les microscopes, les becs Bunsen, les agitateurs, les pipettes, les cristallisoirs, les diapasons, les spectromètres, les prismes diffractifs, les cribles et les jeux de dés mallarméens, le percolateur et l’alambic partagent la même paillasse.Les deux machines intéressent le même domaine textuel celui des fluences, des fragments, de leur traitement et de leur transmission. Mais si le percolateur procède par adduction et transduction, l’alambic, lui, procède par abduction, là on mélange et ici on extrait. Le percolateur relève du réticulaire et l’alambic du linéaire.
L’alambic analyse, il produit(de façon asymptotique, bien sûr) l’essentiel, le pur. Il part du complexe et isole l’élément qu’il distingue par ses propriétés, il dé-compose pour atteindre les composants(analyse componentielle). Le percolateur incrémente par petits ajouts alors que l’alambic discrimine et sépare. Le percolateur marcotte, bouture ou greffe, l’alambic taille et élague.

Il ne faut pas se méprendre, mon propos semble opposer les deux machines avec une tendance à privilégier le percolateur. Il est vrai que les mots desservent l’alambic en lui assignant un rôle réducteur, simplificateur, mais c’est oublier son autre dimension celle de la profondeur, de l’acuité ; on diminue le champ mais on va plus loin. L’alambic est pointu, il affine, aiguise, par sélection et élimination latérale. Il focalise. Seul, il peut paraître étriqué dans sa spécialisation, sa crainte de l’encyclopédisme (parfois superficiel voire cuistre). La relation de l’alambic et du percolateur relève d’une dialectique orthogonale. Le percolateur a besoin parfois de faire la part des choses , d’isoler un texte de son contexte, de distinguer les malentendus, les interprétations erronées, les distorsions de la transmission, les altérations mnésiques, la perversion des mots, les rétentions de l’Histoire ; il doit détecter les influences, dénicher le subreptice et le subliminal. Dans tout percolateur il y a des micro-alambics comme il y a dans l’écriture le droit à la rature et à la relecture critique de la page précédente pour le lecteur.

Dans le bistro voisin, un client ajoute un peu d’alcool dans son café, il prétend que le parfum de l’un renforce le goût de l’autre : « Question de saveur ! »dit-il doctement. Complexité.

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