En 2006, le grand critique Genette publiait un abécédaire intime, Bardadrac. C’était un livre autobiographique profond et divertissant (l’un va rarement sans l’autre), plein d’amitié armée pour les hommes, les mots, pour ce qu’ils disent et ne disent pas. Genette flânait dans ses souvenirs et dans les livres sous le signe de Montaigne, le regard clair et la patte précise, sérieux sans esprit de sérieux, comme un vieux félin jouant avec une pelote ou triant des arêtes. Le ton était donné par l’ironie – forme méandreuse d’autodérision sans ostentation, d’enthousiasme méfiant, de discrétion révélée, variation pleine de bon sens sur les ordres du discours. L’immense culture de Genette ne s’accompagnait d’aucune cuistrerie : elle ne semblait destinée qu’à le (et nous) simplifier. Il y avait des entrées ouvrant sur des choses lourdes, d’autres sur des choses légères, c’était bien : comme dit Montaigne, l’âme se fatigue à être continuellement tendue. On riait avec Bardadrac, d’un rire qui permet de croire qu’on est (ou qu’on pourrait devenir) intelligent. Á propos de “Codicille” de Gérard Genet (au Seuil)“ dans Libération.
Ce site en annexe du “percolateur” ne prétend à l’exhaustivité, ni à l’autorité mais simplement à une curiosité vagabonde dans cette “bribiothèque” de notre époque, ces “bouts écrits”, ces fragments, ces éclats de Vérité voire ces coups de gueule. Kaléidoscope ou Patchwork. Du tabulaire forcément lacunaire.
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les titres
Il est des codicilles qui valent tous les testaments.
Webd'azard
Les corbeaux pétitionnaires, nouveaux inquisiteurs universitaires.
L’affaire Gougenheim (auteur d’un livre austère et savant sur Aristote au Mont-Saint-Michet, qui avait passionné le webdo-perco) (voir Juillet 2008)ne représente que le plus récent avatar de ces nouvelles chasses aux sorcières que la logique d’ïllimitation libérale conduit inexorablement à développer – pour le plus grand bonheur de ces éternels corbeaux et maîtres chanteurs qui ne manquent jamais de sortir des bois lorsque le ciel de l’Histoire s’assombrit. Dans la mesure où cette affaire .illustre de manière exemplaire (ou, si l’on préfère, de manière caricaturale) les nouvelles erreurs de la gauche libérale, on se reportera à l’étude minutieuse – et saisissante – qu’André Perrin a consacrée à la méthode de « travail» des corbeaux pétitionnaires (<< Le médiéviste et les nouveaux inquisiteurs», texte à paraître). Sa conclusion est sans appel; «Est-il. conforme à la démarche scientifique et à la déontologie de l’historien dont pourtant ils se réclament. écrit ainsi André Perrin – que des dizaines d’universitaires aient osé condamner un ouvrage qu’ils n’avaient pas lu, dans un texte débutant par ces mots : “Historiens et philosophes, nous avons lu avec stupéfaction l’ouvrage de Sylvain Gougenheim…” ? Quel crédit le non-spécialiste, qui n’est pas en mesure de faire lui-même oeuvre d’historien, pourra t-il leur accorder désormais ? Peut – on dénoncer l’idéologie au nom de la science à l’intérieur d’une démarche qui bafoue les règles élémentaires de la probité scientifique et que seul le parti pris idéologique peut rendre intelligible? La réception du livre de Sylvain Gougenheim aura mis en évidence le climat délérère d’intimidation intellectuelle qui règne aujourd’hui. Celui-ci laisse peu de place au dialogue et peu de chance à la liberté de l’esprit.
A partir du livre de Jean-claude Michéa “:La double pensée” Champs-Flammarion.
Entre mers et Serres
Par les tenants d’une «philosophie forte», technique, démonstrative, Michel Serres est quelque peu poussé aux marges de la philosophie, vers la littérature ou la «poésie», une philosophie «facile», incantatoire, où la langue, flattée et caressée avec sapience, jouit de se voir si belle en son miroir. En quelques occasions, il en est atteint – par exemple quand, pour enseigner l’épistémologie et l’histoire des sciences, il est accueilli par le département d’histoire de Paris-I, et non celui de philosophie. Aujourd’hui, à près de 80 ans, il en rit. Il a une notoriété, un large public. en vérité…. “Libération”, ce jour jeudi 30 Avril , dans ses pages “livres” en consacre deux à l’évènement de la publication de son dernier ouvrage : ” Écrivains, savants et philosophes font le tour du monde”. “ Voir l’article sur le Percolateur mis en ligne hier “
L’Amour des langues
Personne n’est indifférent aux langues humaines, dont l’apparition, aux aurores de notre espèce, est ce qui a permis à ses membres de nouer des relations sociales qu’aucune autre espèce animale ne connaît. Ceux et celles qui n’aiment pas les langues, parce que la difficulté d’apprendre certaines d’entre elles les rebute, trouveront dans ce Dictionnaire, sinon des raisons de les aimer, du moins assez de matière pour rester étonnés devant tout ce que les langues nous permettent de faire, de dire, et de comprendre sur notre nature. Partout apparaît avec éclat l’ingéniosité infinie des populations humaines, confrontées au défi de dire le monde avec des moyens très limités.
« Comme tout dictionnaire, celui-ci ne requiert pas de lecture d’un bout à l’autre : il est inspiré par l’amour des langues, qui est peut-être un des aspects de l’amour des gens. ». Dictionnaire amoureux des Langues, Claude Hagége, Plon-Odile Jacob. Avril 2009
Des langues comme produits naturels.
Considérez les langues ; voyez si elles ne possèdent pas tous les caractères que nous avons reconnus jusqu’ici aux produits de la vie. Elles ont leurs périodes d’enfance, de jeunesse, de virilité, de vieillesse, de décrépitude; et elles ont dû nécessairement avoir, avant l’âge du foetus que nous pouvons observer pour quelques-unes, un état rudimentaire. ou embryonnaire, soustrait à nos observations.
Elle se développent par percolation, par l’élaboration de matériaux adventices, par la fixation progressive de formes primitivement indécises, par la distinction croissante de ce qui était originairement confondu. La forme, c’est-à-dire la structure grammaticale, y persiste comme l’élément essentiel, tandis .qu’elles perdent des matériaux (c’est-à.dire des mots) et en acquièrent d’autres, et que ces matériaux eux-mêmes subissent dans leur constitution et dans leur valeur de continuelles altérations. Quand le système des formes grammaticales est viscéralement atteint et que la langue ne peut plus vivre, les matériaux qui la composaient s’en détachent pour entrer dans la composition d’un autre organisme. Arborescence, développement rhizomatique, semence, greffe, bouture, provignage, pollinisation,,….( Pardon à Messieurs Bouveresse , Sokal et Bricmont mais je me réfère à Cournot, M Mûller et à beaucoup d’autres ! ) voir le percolateur.
Le propre et le sale, de la scatologie à l’eschatologie ? ! Ou l’histoire du propre !
Michel Serres aime les mots et les idées qu’ils nomment. On devine quand il nous parle, cette jubilation de philologue qui fait rendre gorge et raison au verbe trituré par l’étymologie, l’histoire, les associations, les rencontres phonétiques ou graphiques… Rendre raison, certes, mais avec raison. Dans deux ouvrages “Le Contrat Naturel” (Champs Flammarion) et “Le Mal propre – Polluer pour s’approprier” (Le Pommier) Michel Serres part de la proximité Propreté / Propriété pour nous proposer une étude convaincante du contrat écologique..
…. “J’ai souvent noté qu’à l’imitation de certains animaux qui compissent leur niche pour qu’elle demeure à eux, beaucoup d’hommes marquent et salissent, en les conchiant, les objets qui leur appartiennent pour qu’ils restent leur propre ou les autres pour qu’ils le deviennent. Cette origine stercoraire ou excrémentielle du droit de propriété me paraît une source culturelle de ce qu’on appelle pollution, qui, loin de résulter, comme un accident, d’actes involontaires, révèle des intentions profondes et une motivation première”….
A propos de mot on peut aller voir ‘A la fortune du mot”.
Les mots, les idées et le philosophe
Georges Steiner, dans un ouvrage, (une excellente introduction chez Champs Flammarion) sur “Martin Heidegger”. Il aborde le travail du maître sur la langue, les mots et leur origine. Déjà dans “Sein und Zeit”, Heidegger s’adonne à l’étymologie. Le mot simple, accepté depuis toujours, servira précisément parce qu’il renferme, selon lui, la plus grande charge d’une perception humaine initiale et valable. Ainsi les mots anciens et clairs sont les plus riches de sens. Nous seuls avons oublié leur force fondamentalement incisive et leur témoignage existentiel. Par une méditation intense,s’accompagnant d’une sorte de véhément effort de pénétration, sur l’étymologie et l’histoire primitived’un mot, le penseur peut l’obliger à livrer son formidable quantum d’illumination et d’énergie. Dans “Sein und Zeit” par consequent, et à partir de ce livre, l’apparente clarté lapidaire de Heidegger, son utilisation de phrases courtes qui masquent en fait un idiome farouchement personnel, dont l’intention est de « différer » ou même de « bloquer» notre lecture. Il s’agit de nous ralentir, nous désorienter, nous barrer la voie pour mieux nous mener vers la profondeur. Mais bientôt cette démarche étymologique, cette mise à nu des racines de mots allemands et grecs (Heidegger assigne à ces deux langues un statut strictement incomparable), devient beaucoup plus qu’un instrument. Elle devient le mouvement cardinal de la philosophie heideggerienne. L’on prend une locution commune, ou un passage dans Héraclite, Kant, Nietzsche, pour extraire des syllabes, mots ou phrases individuels, leur richesse de sens originelle, longtemps enfouie ou érodée.qui, redécouverte, peut provoquer une véritable renaissance.
Très modestement Le Percolateur essaie (à sa façon) de chercher dans les mots et leur histoire des traces de sens dont l’occultation et l’érosion ont altéré la portée.
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