Pourquoi parlons-nous actuellement de capitalisme cognitif ? Parfois j’ai l’impression que l’association de ces deux mots présente le caractère blasphématoire de l’amalgame contre nature de la connaissance, de la noblesse de l’intelligence et de l’argent, vous savez de cet argent qui salit tout ! En fait je crois qu’il y a dans ce rapprochement un aspect métaphorique et linguistique important : à l’instar du capital les savoirs s’échangent, se transmettent, s’acquièrent, se valorisent …Il faut aussi constater que la relation relève du systémique. Le lien entre économie et connaissance n’est pas une nouveauté. Il existe, et il pèse lourd depuis qu’avec la révolution industrielle, la production a commencé à utiliser les machines (c’est-à-dire, la science et la technologie incorporées dans les machines) puis, avec Taylor, à organiser scientifiquement le travail. Toute l’histoire du capitalisme industriel, pendant ses deux siècles d’existence, est l’histoire de l’extension progressive des capacités de prévision, de programmation et de calcul des comportements économiques et sociaux à travers l’utilisation de la connaissance. Le « moteur » de l’accumulation du capital a été mis au point par le positivisme scientifique qui a recueilli, au siècle dernier, l’héritage des Lumières, et qui a inscrit le savoir dans la reproductibilité. La connaissance a été mise au service de la production en tant que connaissance déterminante, susceptible de calculer, imaginer, sentir, communiquer bien au-delà des limites de l’utilitarisme, de contrôler la nature à travers la technique et les hommes à travers l’organisation.