Le Percolateur

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Heuristique & Sémiologique

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L’Histoire entre anté et enté

Author : Gilbert — 4 Jan 2006

L’Histoire entre anté et enté.

Qu’il s’agisse de l’Histoire des idées, des sciences, des langues, … la quête de l’origine paraît sinon vaine du moins affectée par l’idée simpliste et réductrice d’une source unique et ponctuelle et d’un déroulement linéaire du temps, d’une chronologie qui serait une généalogie, d’un espace qui ne serait qu’un cadastre liminaire. La cosmologie, l’anthropologie, l’ontologie ne sont pas un long fleuve tranquille qui sourdrait d’UN point situé dans le temps et l’espace, d’un « top, c’est parti » ou d’un «Fiat lux » jaillissant de « l’ex-nihilo ». Le clepsydre, le sablier, le cristal de quartz, ne mesurent que des durées, repèrent des instants sur un axe où l’on fixe une origine arbitraire dont on sait, quelle que soit sa place, qu’elle aura toujours un ANTE. Les sources sont multiples, et si le chronométreur a quelque difficulté avec l’INITIAL, le géomètre doit savoir qu’il y a toujours un au-delà à la limite qu’il jalonne, un AILLEURS et que son tracé est poreux.

Thalès, le grec alphabétique (donc homme de paroles et algébrique), le rationnel héritier de mythes antérieurs, traverse la Méditerranée et rencontre l’Egypte hiéroglyphique des arpenteurs et des dessinateurs (hommes de tracés et de plans), et sa civilisation propre. La géométrie (qui est un discours abstrait sur le dessin) naît de cette greffe, de cette ENTE des écritures et des cultures. Hybride.

Il y a plus de 4000 ans un potier égyptien surchauffe accidentellement sa terre, elle se vitrifie. Archimède, homme de principe utilise ses miroirs métalliques concaves contre Rome. Les bésicles d’Armati de Florence. La « Camera Obscura » promue par Léonard de Vinci. L’alchimie puis la chimie découvrent et étudient des substances sensibles à la lumière (qui laisse une trace ! ) à partir du 16ème siècle. Descartes, l’analyseur rationnel des phénomènes lumineux démystifie l’arc en ciel. Galilée et sa lunette. Newton. Les coniques de Pascal. La lanterne magique du Père Kircher. A l’optique géométrique succède l’optique physique, la lumière révèle sa complexité corpusculaire et vibratoire. Effet photo-chimique puis photo-électrique. Découverte de la « persistance rétinienne » par l’abbé Nollet au 18ème siècle. Les Niepce et Daguerre inventent la photographie. Depuis le Moyen-Age les horlogers taillent des pignons entraîneurs et calculateurs. En 1830 Thimonnier invente le mécanisme : « pas à pas » pour sa machine à coudre… : ANTECEDENTS.

CONTEXTE : ce 19ème siècle, la pression latérale, cardinale et contemporaine de la « révolution industrielle ». Les frères Lumière, photographes, inventent le cinématographe né de l’hétérogénéité de ses sources, de la greffe de disciplines très différentes, de la rencontre de bricoleurs de génie et de savants dont le seul partage avait été le bonheur de la recherche et de la découverte. Ici pas d’histoire linéaire, pas de géographie précise, pas de téléologie (ni de théologie). Le cinématographe n’est évidemment pas une fin (ni terme, ni objectif), ni produit de convergence, ni aboutissement, mais un avènement dont on pourrait (après coup) mesurer la probabilité. Machine mnésique et instrument d’analyse du temps et du mouvement, le cinématographe joue un rôle déterminant dans le domaine de l’Art et de la Culture, certes, mais aussi dans celui des Sciences Physiques, Naturelles et Humaines. L’ente est bonne, le scion est à son tour porteur de nouvelles greffes et de fruits. Juste retour de l’emprunt à l’Humaine Histoire.

Percolation selon Noelle Batt

Author : Gilbert — 3 Jan 2006

Je propose un extrait de la « Présentation » par Noelle Batt du n° 16 de la revue : « Théorie, Littérature, Enseignement » (TLE) des Presses Universitaires de Vincennes (automne 98) : percolations.

Faut-il rappeler qu’une métaphore vive est toujours fonctionnelle ? Si on la crée, si on l’invente, c’est que pour dire ce que l’on cherche à dire les combinaisons habituelles du discours se révèlent soudain plates, lisses, muettes. Nécessité fait loi. Déçu par le discours, on retourne à la langue. L’on furète, l’on écarte, et l’on découvre que oui, ce mot de percolation appartenant au paradigme de la physique-chimie et pourvu par métonymie d’un certain arôme pourrait bien, une fois arraché à son champ lexical et sémantique d’origine, décontextualisé et recontextualisé, contribuer à traduire cette pensée soudain conçue que l’on cherche à communiquer avec le plus de clarté et de justesse possibles. Car on a généralement recours à la métaphore quand on veut dire de façon précise ce qui se joue dans le flou, l’entre-deux, le complexe, là où les choses ne sont ni tranchées ni univoques, où tout choix d’un mot usuel est ressenti comme une amputation de la pensée. En fait, à bien y regarder, le trope qui tente de traduire les interférences, intersections, et traversées sémantiques par le biais d’une substitution de signifiant n’est-il pas toujours lui-même opérateur de percolation, machine à percoler ?

La percolation dans son acception générale et ancienne ‘ implique qu’une substance en traverse une autre et en ressort ni tout à fait la même ni tout à fait une autre. C’est une opération d’intimité, discrète mais avérée. On ne peut la nier. Le résultat se voit. Les qualités de la substance d’arrivée participent à la fois de celles de la substance de départ et de ce qu’elle a traversé. Hybride donc.

A la manière de Michel Leiris

Author : Gilbert — 3 Dec 2005

VIGNETTE : Mesure à l’aune œnologique l’ivresse du livre, ce peut être aussi un « cache-texte ».

LIBRAIRE : Libre hère.

LIBRAIRIE : Lis, brais, ris ici en cette libre aire pour erre libre.

CUL DE LAMPE : Ni faux, ni de sac, mais illustration ampoulée des blancs typographiques.

Outils de lecture

Author : admin — 28 Nov 2005

bureau

L’esperluette

Author : Gilbert — 25 Nov 2005

De l’époque romaine au 16ème siècle, les scribes, copistes et autres scripteurs avaient recours dans l’exercice de leur Art, pour des raisons d’économie (de temps, de papyrus, de parchemin,..) à des formes abréviatives, une sorte de sténographie, la ligature de deux lettres consécutives en un seul tracé. Economiques, certes, mais souvent illisibles. La ligature des deux lettres e et t de la conjonction de coordination « et », telle ( ? ) que nous la connaissons, remonte à l’époque mérovingienne, sa forme se stabilise (à peu près) à la suite de l’avènement de l’imprimerie. A cette époque la plupart des ligatures, devenues inutiles disparaissent, seule perdure celle du « et », &, l’esperluette. (On dit aussi : l’éperluette).

Pourquoi ce joli nom d’esperluette ? Les explications sont nombreuses et souvent de fantaisie poétique. Adoptons l’explication de Grévisse : ce caractère était, pour l’apprentissage de l’alphabet, placé après le « z » :……X Y Z & . Intégré et distingué. Les écoliers ânonnaient : ..vwxyz « et puis le ète » ; ce qui a donné : « esperluette ». Pourquoi pas ?

Il y a dans l’esperluette une sorte de redondance qui satisfait notre nostalgie hiéroglyphique, à tel point qu’elle prend (en particulier dans la communication commerciale) la valeur emblématique du blason expressif de sa devise, du logotype de son slogan. Peaufinée, voire idéalisée par les siècles, sans aspérité ni aigu, tout en rondeur, volute et volupté (travail de plume plus que de burin) l’esperluette exprime l’articulation. A cette croisée du signe et du sens, ce pléonasme pictographique, iconograhique et idéographique, cette mimésis de l’écriture phonétique se lit, se voit, s’entend comme écriture de la notion de lien, de relation, de nœud, de lacs, d’attache, de boucle….souples !! Arthrologique !

La conjonction de coordination sert à lier deux mots, deux parties du discours, des propositions de même fonction…Le « et » joue ce rôle et d’une façon plus spécifique relie les termes de l’addition (1et1 font 2), les éléments d’une énumération (le père, la mère et leur enfant), d’un mélange (l’eau et le vin), de la simultanéité (il pleut et il vente), etc… Bref, au-delà de ces fonctions que la grammaire lui impose, la conjonction « et » peut proposer, suggérer, un rapport inopiné, commutatif et dialectique, sans préjuger du type de relation, qui le plus souvent est complexe. Un « chaud et froid » n’est pas tiède ! Elle peut ouvrir un champ, un domaine, posant plus de questions que donnant de réponses, conjonction de composition, elle est un déclencheur de réflexion. Elle se distingue en cela de l’alternative du « ou », de la causalité du « car », de l’implication logique du « donc », de l’exclusive du « ni », de la réserve sceptique du «mais »,…qui flèchent l’assertion. « Je pense donc je suis », « je suis car je pense », apportent une réponse, alors que « je pense et je suis » constate, interroge et provoque la réflexion. Là, il semble que l’esperluette, &, (et sa mimologie) représente la clef (pensons à la clef de sol !!) qui ouvre un intervalle de combinaisons, d’associations, de corrélations, d’interactions, d’interférences, d’oppositions irréductibles…. Il y a dans ce caractère comme une boucle de rétroaction systémique ! « Pouvoir & communication ». « Pression & volume ». « Oxygène & hydrogène ». « Le hasard & la nécessité ». « L’être & le néant ». « Le chêne & le roseau ». « Mode & tradition ». « Filiation & adoption ». « Le capital & le travail ». « Esperluette & invention »…

Ainsi que l’esperluette, l’arobase @ a sa place sur le clavier des machines comme elle l’eut jadis dans la casse de l’imprimeur. Arobase est le terme, @ le caractère qui désignent le « à », le « a », élément du latin « ad », marquant la direction, le but à atteindre (adresser, adjoindre, adduire,..). Ici, non pas la trace fossile d’une ligature mais une fioriture, enveloppante spiralée, à laquelle on peut attribuer l’expressivité du mouvement centrifuge de la fronde qui vise une cible. L’image le dit, l’arobase est fonctionnelle, directive, univoque. Elle adresse, n’intéressant que le « préposé » du réseau pour la bonne orientation et la juste destination du courriel alors que « esperluette » rime avec « pirouette » et la mime ! Ici on est moins sérieux mais plus créatif !

Gargantua jouait

Author : Gilbert — 15 Nov 2005

Gargantua jouait……

[….] aux fleux, au cent, à la prime, à la vole, à le pille, à la triumphe, à la picardre, à l’espinay, à trente & un, à la condemnade, à la carte virade, au moucontent, au cocu, à qui a si parle, à pille : nade :iocque : force, à mariage, au gay, à l’opinion, à qui faict l’un faict l’autre, à la séquence, aux luettes, au tarau, à qui gaigne perd, au belin, à la ronfle, au glic, aux honneurs, à l’amourre, aux eschetz, au renard, aux marrelles, aux vasches, à la blanche, à la chance, à troys dez, aux talles, à la nicnocque. A lourche, à la renette, au barignin, au trictrac, à toutes tables, aux tables rabatues, au reniguebleu, au force, aux dames : à la babou, à primus secundus, au pied du cousteau, aux clefz, au franc du carreau, à par ou sou, à croix ou pille, aux pigres, à la bille, à la vergette, au palet, au iensuis, à fousquet, aux quilles, au rampeau, à la boulle plate, au pallet, à la courte boulle, à la griesche, à la recoquillette, au cassepot, au montalet, à ]a pyrouette, aux ionchées, au court baston, au pyrevollet, à cline musseté, au picquet, à la seguette, au chastelet. à la rengée, à la souffete, au ronflait à la trompe, au moyne, au tenebry, à l’esbahy, à foulle, à la navette, à fessart, au ballay, à sainct Cosme je viens adorer, au chesne forchu, au chevau fondu, à la queue au loup, à pet en gueulle, à guillemain baille my ma lance, à la brandelle, au trezeau, à la mousche, à la migne migne beuf, au propous, à neuf mains, au chapifou, aux ponts cheuz, à colin bridé, à la grotte, au cocquantin, à collin maillard, au crapault. à la crosse, au piston, au bille boucuet, aux roynes, aux mestiers, à teste teste bechevel, à laver la coiffe ma dame, au belusteau, à semer l’avoyne, à briffault, au molinet, à defendo, à la virevouste, à la vaculle, au laboureur, à la chevêche, aux escoublettes enraigées, à la beste morte, à monte monte l’eschelette,au pourceau mory, à cul salle, au pigeonnet, au tiers, à la bourrée, au sault du buisson, à croyzer, à la culte cache, à la maille bourse en cul, au nie de la bondrée, au passavant, à la figue, aux petarrades, à pillemoustard, aux allouettes, aux chinquenaudes……

Proposé par J.C. (LYON)

10 novembre 2005.

Sur la plage

Author : Gilbert — 4 Nov 2005

Sur la plage…avant la déferlante.

C’est devenu rituel, l’été débute pour la presse littéraire, par un état des lieux, des études savantes sur la Lecture, les Lecteurs et le Livre, encombrés de statistiques, de classements typologiques ou topologiques, de tableaux comparatifs et de commentaires argumentés et circonstanciés. Bourdieu, Manguel, Pennac, de Singly, Lahire, l’INSSE, la BNF,……sont convoqués ainsi que des éditeurs, des libraires et des lecteurs. On s’inquiète du spectre de l’illettrisme mais on constate que la toile ne remplace pas le papier, on s’alarme de la mainmise économique sur l’Edition et on se réjouit de la riche diversité de la Petite Edition, on s’étonne de la bonne santé de la Lecture et de la résistance du codex aux assauts de l’Ecran. Alors que le marketing crée des évènements et des phénomènes éditoriaux l’intérêt grandit pour les « différents », diffusés par les « bonnes librairies ».

De nombreux magazines conseillent des livres d’été. Cette notion de « livre d’été ou de vacances » est-elle pertinente, qui aurait une place réservée dans le sac de plage ou sur le chevet du randonneur harassé ? Le livre d’été se distinguerait-il par sa dimension, son contenu …sa légèreté ? On peut en douter, par contre la « lecture de loisir » se démarque de la lecture habituelle ; le « temps libre », le déplacement, le changement de rythme et de cadre, induisent une posture spécifique du lecteur qui retrouve une disponibilité donc une curiosité ouverte à la découverte.

Au-delà de l’anagramme, « lire » et « lier » c’est la même chose (même racine) tant il est vrai que lire c’est d’abord, étymologiquement parlant : choisir & assembler, cueillir & réunir. Lire c’est glaner, grappiller, composer un bouquet, un florilège, un herbier,…un « verbier ». Le « lire » dans ce qu’il implique de relation peut rigidifier par l’habitude, l’obsession, la prescription médiatique et enfermer dans un domaine, un genre, un style, un auteur, une époque, une école, une collection,….Il peut scléroser, durcir, étriquer comme un lacet de vieux cuir au détriment de ce qu’il implique de libre sélection et contrarier la gratuité, le plaisir et la créativité en réduisant la palette (réelle) du choix. Pennac reconnaissait au lecteur le droit de ne pas lire. Peut-être faut-il « délire » !!! C’est-à-dire rompre avec la prédilection, les affinités électives, la dialectique ratiocineuse, se déconnecter de l’habitus et s’ouvrir à l’éclectisme, voire s’encanailler. L’été, les vacances, le temps libre peuvent rendre à la lecture la surprise, l’occasion, l’accidentel, et permettre au lecteur d’échapper au profileur des études statistiques, au Livre secouant le carcan de la collection de résister au sac et ressac de la grande déferlante de la Rentrée littéraire qui va balayer les plages de nos fantaisies estivales.

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