Le Percolateur

Verbe

 
 

Heuristique & Sémiologique

Verbe  (Je procède toujours quand j’écris par digression, selon des pas de côté, additions de suppléments, prothèses, mouvements d’écarts vers des écrits tenus pour mineurs, vers les héritages non canoniques, les détails, les notes de bas de page… (Derrida) )

La chaîne et le rhizome

Author : Gilbert — 20 May 2007

La chaîne et le rhizome.
Je vous propose un texte que j’ai écrit en mars 1981 pour le Journai “Libération” et qui a été publié le 23 juin 1981. Je vous conseille avant sa lecture de vous rendre à la page “Couloir” de cette Webzette 14 où sous le titre : “Schizochaîne” je vous explique rapidement les raisons de cette réédition.

Et le chêne répète ses glands

Miche! Serres prétend que la botanique sera la reine des sciences ( à l’instar de la biologie actuelle), Elle permet, en tout cas, à Deleuze et à Guattari {Les mille plateaux) de nous proposer un outil de réflexion intéressant le concept de “rhizome” qu”ils opposent à celui de l’arbre.

L’arbre est enraciné, Il se développe en rameaux à partir d’une forte unité principale, vitale, indispensable. Il est centré, centralisé. et hiérarchique. il relève de la mémoire longue (ex: la famille). Il est généalogique. Ses canaux de transmission et de liaison sont préétablis. Mais s’il y a l’axe autoroutier il y a aussi les sentiers dans la campagne ef leurs promesses de rencontres fortuites et aléatoire.

Les sentiers relèvent du rhizome. Le rhizome se développe en concrétions bulbeuses, en tubercules. “N’importe quel point du rhizome peut être connecté à n’importe quel autre”. Il est hétérogène et multiple. il n’a pas de début, il peut être rompu, brisé en un point quelconque. (La fourmilière se reconstitue après avoir été dispersée par le promeneur) Il est souple, adaptable, étranger au génératif, moléculaire et anarchique.

Depuis trente ans, le schéma technique de la TélévIsion est avant tout un arbre. Un arbre avec la racine fortement pivotante d’un centre de production avec un tronc hertzien rigide et un point de ramification : l’émetteur. La technique de diffusion subit les contraintes du territoire : obstacles géographiques, lois de propagation de Fresnel….Au bout des rameaux, le récepteur de télévision, fruit fortement attaché (on dit se brancher) se nourrit de la substance même du tronc hertzien (ondes HF) et de sa racine pivotante (le Programme). La chaîne (tel le chêne) est fragile parce que rigide, elle ne s’adapte pas elle se rompt sous le boutoir de l’arrêt de travail d’une catégorie de personnel ou de la coupure secteur. La chaîne de télévision n’existe que dans un intervalle de temps entre le début et la fin du programme, le téléspectateur doit s’adapter à cette rigidité, s’y conformer, la faire sienne.

L’arbre télévision pousse ses rameaux rigides jusque dans le quotidien de chacun. Trois chênes ne font pas une forêt mais trois arbres ou un arbre à trois racines, avec la même raideur fragile et au bout la même contrainte sociologique. Et le chêne répète ses glands ! Au centre d’un récepteur de TV, il y a l’étage vidéo. Riche de virtualité cette boîte noire et son système détecteur se libèrent des étages HF et de la sève hertzienne. C’est de là que tout est remis en question, de cette séparation, de cette autonomisation de l’écran. Relié au téléphone (télématique), à l’ordinateur domestique, au pupitre de jeux, au tuner (récepteur HF du réseau terrestre, satellite et câblé, télé locale, ..) au magnétoscope (vidéothèque, production de la caméra personnelle,..) Il tient une place analogue à celle des enceintes HI FI (grosses de la multiplicité sonore). Ce bourgeonnement rhizomorphe condamne les chaînes à n’être plus que des fournisseurs de programmes PARMI d’autres, on peut se “débrancher”. Le système perd son centre et l’on assiste à une prolifération quasiment anarchique. Autour de l’écran vidéo, le groupe gagne en autonomie (même par rapport à l’arbre énergétique par la faible consommation de ses composants) et s’ouvre à la multiplicité des sources. Des réseaux informels se constituent sans territoire, comme ceux des fanzines, les réseaux les plus souples de la culture. NETWORK-PATCHWORK. Les trames se jouent de la rigidité des chaînes. Points de chaînette sur canevas troué; tissu fractal et lacunaire. Développement turbulent et anti-clone. Les notions de carrefour, d’heures d’écoute privilégiées disparaissent. Le temps est découpé, récupéré et maîtrisé (magnétoscope à enregistrement programmé). La possibilité existe enfin de rechercher le temps perdu et de le retrouver. Au travers de la linéarité chronologique s’inscrivent les obliques des choix individuels. Schizo-chaîne.

Les forêts relèvent du rhizome avec leurs morts, leurs renaissances, leurs mouvances ,leurs clairières, leurs exubérances, leurs entrelacs buissonneux. Le rhizome peut, lui aussi, cacher des concrétions arborescentes, un enracinement brutal. Subrepticement le rhizome vidéo peut nourrir en son sein l’arbuste de la culture officielle ou le bonzaÏ de la technologie monopolistique. “Small is beautifull” , le petit s’agglutine et parasite à l’occasion le grand, touffe de gui sur la chaîne. Mais qui peut dire s’il n’y a pas quelque part un gland qui aurait échappé au mouvement tourbillonnaire, prêt à germer en une nouvelle rigidité, sous l’action d’un jardinier tel Big Brother ? Les tribus nomades susciteront-elles le village planétaire, uniquement pour le parasiter ? Quel fabuliste nous le contera ? De ce hasard naîtra-t-il une nouvelle nécessité ? Quel botaniste-philosophe nous le dira ! !

Le trébuchet de Quentin

Author : Gilbert — 14 Apr 2007

Quentin, l’aîné de mes petits enfants, très fort en math et en thème (1ère S) a récemment proposé à son prof et à sa classe une étude, un mémoire sur le thème “modèles et modélisations”, il a choisi, pour répondre à la question posée, le recours au modèle du “trébuchet”, sous le titre : “Peut-on envoyer avec un engin d’hier une bombe d’aujourd’hui ? “. Bonne question d’un lycéen amoureux des mathématiques plus que de l’Art Militaire ! Rappelons- nous que, jadis, les officiers artilleurs, spécialistes en balistique, étaient les meilleurs mathématiciens des Grandes Ecoles de Guerre. Et puis provoquer l’anachronisme est propre à stimuler la réflexion ! l’humour est souvent partie prenante de la créativité. Et le modèle est bon !
A la lecture du Rapport j’ai tout de suite apprécié son introduction qui s’appuie sur une analyse du mot “trébuchet”, on ne peut, en effet, séparer le mot de la chose, ainsi on donne à celle-ci ainsi une dimension historique et à celui-là une étymologie significative.
….”Le trébuchet est une ancienne machine de guerre dite à contrepoids. Elle sert principalement à détruire les murs des châteaux forts en y lançant d’énormes boulets. Introduite en France au XIIe siècle elle est utilisée jusqu’au XVIe siécle. Le mot “trébuchet” vient de l’occitan “trebucca” qui signifie “qui apporte des ennuis” mais dans l’Occitanie médiévale la trebucca était aussi une balance de précision. Il est constitué d’une verge liée à un contrepoids articulé. A l’autre extrémité de la verge se trouve une poche dans laquelle était placé un projectile.”…..
Pour moi qui ne connaissais le trébuchet que comme balance de précision des orfèvres et des officines,et dans l’expression “monnaie sonnante et trébuchante”. ! Je découvre,étonné que le trébuchet était cousin de la catapulte et ancêtre de la “grosse Berta” ! Et le voilà sacré modèle de balistique, changement de poids, de dimension et de destination !
Quentin et ses camarades (Matthieu et Simon) ont d’abord calculé les éléments théoriques du trébuchet puis tenu compte de la réalité. Le frottement de l’air par exemple que l’on peut de prime abord négliger prend consistance, oppose une résistance et amortit la trajectoire parabolique. Il faut chiffrer, calculer, (on sent poindre la question de l’aérodynamisme qui n’est pas à l’ordre du jour). Ils ont construit une maquette ( 60 cm environ d’envergure), ils ont établi un protocole expérimental, fait varier les paramètres ( la masse du contrepoids par exemple), confronté les résultats avec ceux des logiciels qu’ils ont découverts et exploités. La réponse à la Question posée ne les surprend pas : on peut obtenir des résultats compararables à ceux d’un petit canon actuel avec un trébuchet de plusieurs dizaines de Km d’envergure et un contrepoids énôôôrme ! ! ! !
Merci à Mars et Vulcain, l’artillerie a su s’appuyer sur ces fondamentaux balistiques et exploiter tous les progrès des explosifs, depuis l’invention de la poudre. Si viser c’est toujours tracer une corde à la trajectoire parabolique, les conditions initiales sont totalement différentes, mais en définitive toujours la GRAVITE l’emportera et des ENNUIS le trebucca toujours apportera ! !

NB-Le verbe “trébucher est un composé hybride du latin tra-, trans- “au-delà” (avec l’idée de déplacement) et du francique “buk “tronc du corps”. Trébucher c’est se déplacer et brutalement buter du pied contre un obstacle, l’élan acquis puis rompu précipite le haut du corps en une chute soudaine sans parade mais non sans dommage ! Si l’on sait que “trébuchet” désignait aussi un “piège à bascule pour les petits oiseaux”. entre chute et piège on comprend que les occitans aient aussi donner au mot l’acception (effective) de porteur, générateur d’ennuis ! !
Pour la petite histoire le verbe “trébucher” a acquis la transitivité grâce à la fonction de peser : je “trébuche le pour et le contre” alors que “j’ai trébuché sur ce sentier caillouteux” ! !

L’abbé Grégoire

Author : Gilbert — 16 Mar 2007

L’abbé Grégoire (1750-1831), curé constitutionnel, fut chargé par la Convention Nationale d’établir un Rapport sur l’Universalisation de l’usage de la Langue Française qu’il présenta à l’assemblée révolutionnaire le 16 prairial an II.
Ce Conventionnel, ardent républicain, fit un véritable plaidoyer pour cette Langue de la France Républicaine susceptible de révéler le Droit au PEUPLE et de lui ouvrir la route de la Liberté. Cette langue, héritière de nombreux idiomes, d’un passé prestigieux (parfois prostituée aux intrigues des cabinets, qui en avait repéré les qualités) passionnait Grégoire qui était aussi linguiste, étymologiste, sociolinguiste, dialectologue (pardonnez les anachronismes). Rationnaliste, il conduisit la mission qui lui était assignée avec une rigueur toute scientifique, s’appuyant sur le réseau des Paroisses et des Curés de France pour établir un état des lieux, c’est ainsi qu’il fut conduit à préconiser la généralisation de l’apprentissage du Français (la langue des maîtres) à tous les enfants de la République, mais aussi la suppression des dialectes locaux (langues de la servilité et du Babélisme désorganisateur) pour un Progrès de la Liberté et de l’Echange généralisé (Egalité et Fraternité). Cependant Grégoire reconnaît que la connaissance des dialectes peut “jeter du jour sur quelques monuments du Moyen-Age”.
Ainsi la philosophie qui promène son flambeau dans toute la sphère des connaissances humaines, ne croira pas indigne d’elle de descendre à l’examen des patois, et dans ce moment favorable pour révolutionner notre langue, elle leur dérobera peut-être des expressions enflammées, des tours naïfs qui lui manquent. Elle puisera surtout dans le Provençal qui est encore empli d’hellénismes et que les Anglais même, mais surtout les Italiens ont mis souvent à contribution.”
Presque tous les idiômes rustiques ont des ouvrages qui jouissent d’une certaine réputation. Déjà la commission des arts, dans son instruction, a recommandé de recueillir ces documents imprimés ou manuscrits ; il faut chercher des perles jusque dans le fumier d’Ennius.
Ainsi Grégoire nous apparaît comme une référence possible en notre temps qui s’interroge sur la fracture sociale, sur le déclin de notre langue ,de son enseignement et de sa pratique, sur les notions de Liberté et d’Egalité. Notre Langue Française est exigeante de respect, de soin et d’attention mais c’est aussi un recours dans notre quête de Justice.

DE LA SIGLAISON

Author : admin — 25 Jul 2006

Toute langue, tout langage obéit, entre autres, à une loi économique, d’efficacité et de rendement qui impose que le rapport : signifié/signifiant ou sens/expression (orale ou écrite) soit le plus grand possible. Si on considère que le numérateur est une donnée invariable, il convient d’agir sur le dénominateur donc de le réduire. On peut quantifier l’expression par sa durée, voire par le coût de sa “communication”. Ainsi s’explique le recours au lapidaire SMS qui se doit d’être le plus court, le plus concis, vite écrit, transmis et lu. Et bien sûr le volume d’encre, la surface du papier, le nombre de bits et de pixels, relèvent de cette quantification comme la loi du moindre effort ! En 1970 Robert Beauvais dans “L’hexagonal tel qu’on le parle” stigmatisait “ces mots plus gros que les choses” ( mauvais rendement). La langue anglaise est plus efficace (de ce point de vue) que la Française, un texte en Anglais est toujours plus court que sa traduction française. L’Américain parlé devient de plus en plus monosyllabique, ramassant le sens autour de la syllabe tonique, certains mots semblent aboyés ! En Français on conseille de préférer le mot le plus expressif à la périphrase dont Hugo (Les Contemplations) disait, paradoxalement, qu’il en avait tordu la spirale.

Quand le Français a émergé du Latin il a transformé des dissylabes en monosyllabes et des trisyllabes en dissyllabes, Toujours au nom de l’économie, au cours des siècles il a utilisé maints procédés pour “faire plus court” : réduction, abréviation, contraction, diminutif, mot-valise, .. et la siglaison !
La siglaison procède de la “réduction” graphique et phonétique dans la mesure où elle assure la présence des constituants d’un groupe de mots soit par la première lettre de chaque constituant, soit par une fraction syllabique (acronyme). Dans son principe le sigle, qui est d’origine Romaine, est d’abord graphique. Chaque lettre recevant l’appui d’une voyelle, est prononcée et constitue par conséquent une syllabe et le sigle, un mot (SOS, SNCF, CNRS, CGT…) dont le genre est le plus souvent celui du premier constituant. Parfois ce mot devient base susceptible d’affixation (cégétiste, faxer, refaxer, smicard, énarque,..). De toute évidence cette tendance à la siglaison s’est accélérée sous l’influence de “l’Anglo-Américain industriel et commercial” dès le début du 20 ème siècle puis avec l’avènement de l’informatique, de la Toile et de la mondialisation. Le Français compte plusieurs milliers de sigles, mais certains ont une vie éphémère : qui se souvient de JJSS, de l’UDR, de l’UDSR, de SIMCA,….? Chaque jour c’est par centaines que nous les trouvons dans la Presse, la Publicité ou sur les pavés ! Le sigle se construit sur de l’arbitraire, mais il arrive (et de plus en plus) que l’on distorde le groupe de mots pour que sa siglaison soit facilement prononçable, identifiable, mémorisable, logotypable, efficacité au “carré” !! Ne tenant qu’à une lettre, ayant rompu tout lien avec sa source, le sigle est de grande ambiguïté, ce qui explique tous les détournements dont il peut faire l’objet, et la nécessité pour le décoder de le rapporter à son contexte. “Pierre rejoint le PC”, s’il est militaire il rejoint le Poste de Commandement, s’il est militant politique il adhère au Parti Communiste, s’il se rend au” PC du PC” on dira au “QG du PC”, bien que la proposition initiale ne soit pas réversible ! “TNT”, si vous êtes chimiste vous traduirez par “composé de chimie organique; TriNitroToluène” ; si vous êtes artificier ou mineur, le TNT est un puissant explosif ; si vous êtes un stratège de l’arme nucléaire (nul n’est parfait ! ) la masse de TNT vous servira à chiffrer la puissance d’une bombe A ou H (ah ! ah!) ; si, plus prosaïquement, vous êtes un accro de la TV, pour vous TNT = Télévision Numérique Terrestre. Homonymie. Parmi les sigles d’origine américaine certains sont francisés avant siglaison : ONU, OTAN,… d’autres sont admis tels qu’ils nous arrivent : UNESCO, LASER = Light Amplification by Stimulated Emission of Radiations (adopté avec bonheur puisqu’on le décline très facilement en français)…etc, ETC.

Il y a, dans le sigle, comme un “trait”. Grâce à son économie graphique, il se trace rapidement, pointe, désigne, marque et souligne. On le graffite, on le tague ou on le dessine d’une main appliquée et précieuse. Grâce à son économie phonique qui ne garde que le saillant des initiales on l’épèle en scansion d’éléments caractéristiques, de traits distinctifs. Grâce à son ambiguïté il peut devenir sarcasme, trait d’esprit. Epigramme !

Il faut, de siglaison,
User avec plus que de raison.
Pour voir sous l’inscription,
De la loi mâtine
La sinistre injonction :
Courber Poliment l’Echine.

Laps de temps

Author : Gilbert — 4 Apr 2006

Voici un texte de Michel Scriban :

TVTV, tout va très vite avec le TGV qui nous réclame de “prendre le temps d’aller vite” !

Tant pis si je vous surprends quant à la forme écrite, mais je ne résiste pas à la tentation de vous parler du temps en n’hésitant pas à répéter le substantif.

Tant qu’à faire, je tente l’introduction avec des citations courantes entendues il n’y pas longtemps : je ne trouve plus le temps, je n’ai plus le temps de rien, le temps passe trop vite… Ces derniers temps, faute d’interlocuteurs qui disent ne pouvoir me consacrer du temps, de novembre 2005, je glisse aux listes d’attente de 2006. Entre temps, dois-je tuer le temps ? ou m’adonner à mon passe-temps ?

C’est quand même bizarre, il est dit que tout va plus vite, le train, l’avion, les communications, le téléphone, l’internet et ses messageries instantanées. A chaque moment, on serait joignable, mais on est très occupé et on n’est pas disponible ! Il y en a qui sont charrette ! D’autres débordés qu’ils soient temps plein ou mi-temps quoiqu’ils fassent de leur tiers-temps.

En somme, il y aurait deux groupes ceux qui attendent et ceux qui sont pris à longueur de temps. Il y a ceux qu’on attend et qui courent toujours pour arriver à temps mais qui sont en retard car ils ont été pris par le temps.

Tant et si bien que l’on va dire stop et s’attarder sur ce drôle de temps:

Chez nous, à la différence de nos voisins contemporains, on utilise le même mot pour le “beau” temps que pour le temps qui passe. Si l’un peut être humide ou chaud, l’autre: on peut en bouleverser son emploi et alors il faut le répartir. Si l’on affuble cet autre de l’adjectif “bon” pourtant pas si éloigné de “beau” on sait que c’est lui qui se déroule.

Il y a un siècle, est apparu l’espace-temps. La quatrième dimension permet au voyageur de moins vieillir s’il voyage comme la lumière. C’est difficile à comprendre, on vit plus longtemps mais il y a plus de mort par stress et infarctus. Les travailleurs travaillent moins mais les délais sont plus longs et les chômeurs et les précaires plus nombreux. TVPV – Tout va plus vite pour les hommes “modernes” mais pas le temps des saisons, des astres, de la gestation, de la croissance… On parle de gestion en juste à temps mais à la moindre intempérie, c’est le délai interminable.

Mais on dit aussi “il a fait son temps” et qu’il soit un objet, un animal, une personne, un parent alors là pour parler sur ces temps passés, il va falloir y passer du temps. Ne dit-on pas aussi que l’emprise du temps a eu raison de cet objet ?

Des études sont disponibles sur l’emploi du temps de notre vie prise dans sa globalité et de son évolution ces dernières décennies. Si la part du sommeil occupe plus de 8 heures de notre vie ramenée à 24h, dans le temps libre qui occupe 4h30, on voit que la TV comme les loisirs “électroniques” prend une place de choix 44% (ainsi autant en heure que le travail rémunérateur ) mais au détriment de quoi ? : des activités sociales et socialisantes (fêtes), de la lecture, du sport, des passe-temps, de la culture, … . En raccourci, tout va plus vite (TVPV) mais on laisse beaucoup de place à la TV. On voyage vite, mais arrivé à l’hôtel on allume la TV.

Si tant est que l’on puisse conclure, je perçois quelques repères pour retrouver / inventer un temps vrai celui où l’on prend le temps.

Que nous dit la musique quand elle parle de tempéré alors que notre ardeur doit parfois l’être ? On sait bien ce qu’il se passe quand on va plus vite que la musique, ou que l’on se décale de la cadence des temps.

Que nous dit le père qui consacre du temps autant qu’il le peut pour faire la lecture à ses enfants le soir et n’a pas mis de TV au bout du lit ?

Que nous dit cet ermite consacré au spirituel mais qui, comme son ordre, consacre des heures au temporel par l’accueil, le service et le travail de ses mains ?

Quels enseignements tirons-nous des conséquences des voyages hyper-rapides et des décalages horaires qui font souffrir les voyageurs du mal dit du “jet-lag” ? L’indien dans un proverbe ne nous dit-il pas que notre âme ne voyage pas aussi vite que notre corps !. Est-ce un signe des temps, mais on n’a jamais consommé autant de somnifères ! Alors que le sommeil est connu comme réparateur, nécessaire à l’apprentissage, à la créativité, à la “digestion” des acquis et connaissances.

Que faut-il tirer de l’expérience de ceux qui se dopent pour raccourcir le temps d’une épreuve mais claudiqueront lentement plus tard à la suite des séquelles de ces drogues ?

On peut être nostalgique du “bon vieux temps” mais n’est-ce pas plutôt un regard vers hier avec nos yeux d’aujourd’hui, alors que nous sommes là pour inventer le demain, l’avenir en laissant de temps en temps couler notre ennui, ce terreau fertile de notre futur.

Ce temps doit-on le subir ? Ou y a t-il une place pour la volonté et notre désir ? Doit-on laisser la place au déterminisme des oracles contemporains que sont la soumission au subconscient, la génétique ou la vision sociale et ses prédispositions ? N’est-ce pas la place laissée à l’autre qui va ouvrir nos vies cadenassées, et susciter des rêves et des désirs pour un temps nouveau et créatif en harmonie avec notre univers ? (2)

Ces lignes sont écrites à la fin du temps de l’Avent. Après-demain les jours vont se mettre à rallonger, les fêtes vont débuter. Dès lors, je ne peux que vous souhaitez du bon temps pour l’année 2006.

Michel Scriban – 20/12/2005

Philosophie et philologie

Author : Gilbert — 4 Jan 2006

Philosophie & philologie.

Dans son dernier livre « Parcours de la reconnaissance » (Denoël, 2004), Paul Ricœur interpelle les lexicographes et convoque essentiellement Littré et Alain Rey (Le Grand Robert). Si celui-là privilégie l’usage actuel de la langue et celui de son passé selon des règles de filiation et de dérivation, celui-ci substitue à cette logique, somme toute linéaire, une arborescence des acceptions fondée sur la pratique de l’association et du réseau sémantique. Ricœur reconnaît l’excellence du Grand Robert et s’étonne de ce que la philosophie n’ait jamais donné à cette richesse sémantique la réplique de la polysémie lexicale et conceptuelle.

Les éditions « le Robert » viennent d’éditer « Le Dictionnaire Culturel » dirigé par Alain Rey, le Grand Robert enrichi de 1300 articles en « encadré » qui révèlent les réseaux historiques, anthropologiques, philologiques que cachent les mots. Par la connivence des langues (traductions et influences réciproques) Alain Rey et une centaine de collaborateurs donnent une perspective humaniste et européenne à une œuvre (4 gros volumes) qui semble répondre aux vœux de Paul Ricœur. Aujourd’hui le Dictionnaire Culturel est là, on peut y entrer n’importe où, n’importe quand, il n’est pas facile d’en sortir !!!

Sur la plage

Author : Gilbert — 4 Nov 2005

Sur la plage…avant la déferlante.

C’est devenu rituel, l’été débute pour la presse littéraire, par un état des lieux, des études savantes sur la Lecture, les Lecteurs et le Livre, encombrés de statistiques, de classements typologiques ou topologiques, de tableaux comparatifs et de commentaires argumentés et circonstanciés. Bourdieu, Manguel, Pennac, de Singly, Lahire, l’INSSE, la BNF,……sont convoqués ainsi que des éditeurs, des libraires et des lecteurs. On s’inquiète du spectre de l’illettrisme mais on constate que la toile ne remplace pas le papier, on s’alarme de la mainmise économique sur l’Edition et on se réjouit de la riche diversité de la Petite Edition, on s’étonne de la bonne santé de la Lecture et de la résistance du codex aux assauts de l’Ecran. Alors que le marketing crée des évènements et des phénomènes éditoriaux l’intérêt grandit pour les « différents », diffusés par les « bonnes librairies ».

De nombreux magazines conseillent des livres d’été. Cette notion de « livre d’été ou de vacances » est-elle pertinente, qui aurait une place réservée dans le sac de plage ou sur le chevet du randonneur harassé ? Le livre d’été se distinguerait-il par sa dimension, son contenu …sa légèreté ? On peut en douter, par contre la « lecture de loisir » se démarque de la lecture habituelle ; le « temps libre », le déplacement, le changement de rythme et de cadre, induisent une posture spécifique du lecteur qui retrouve une disponibilité donc une curiosité ouverte à la découverte.

Au-delà de l’anagramme, « lire » et « lier » c’est la même chose (même racine) tant il est vrai que lire c’est d’abord, étymologiquement parlant : choisir & assembler, cueillir & réunir. Lire c’est glaner, grappiller, composer un bouquet, un florilège, un herbier,…un « verbier ». Le « lire » dans ce qu’il implique de relation peut rigidifier par l’habitude, l’obsession, la prescription médiatique et enfermer dans un domaine, un genre, un style, un auteur, une époque, une école, une collection,….Il peut scléroser, durcir, étriquer comme un lacet de vieux cuir au détriment de ce qu’il implique de libre sélection et contrarier la gratuité, le plaisir et la créativité en réduisant la palette (réelle) du choix. Pennac reconnaissait au lecteur le droit de ne pas lire. Peut-être faut-il « délire » !!! C’est-à-dire rompre avec la prédilection, les affinités électives, la dialectique ratiocineuse, se déconnecter de l’habitus et s’ouvrir à l’éclectisme, voire s’encanailler. L’été, les vacances, le temps libre peuvent rendre à la lecture la surprise, l’occasion, l’accidentel, et permettre au lecteur d’échapper au profileur des études statistiques, au Livre secouant le carcan de la collection de résister au sac et ressac de la grande déferlante de la Rentrée littéraire qui va balayer les plages de nos fantaisies estivales.

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