La terre n’est pas une mère. Au mieux une marâtre. Les tremblements de terre, comme les tsunamis qui en sont la conséquence marine, viennent nous rappeler cette vérité cruelle. Ce sont des malheurs qui n’ont pas de sens. On ne saurait les imputer aux hommes, bien incapables de les prévoir ou de s’en prémunir vraiment, et seuls les croyants extrêmes les attribuent à Dieu ou au diable. Ils procèdent seulement d’une fatalité impassible. Cette absurdité même suscite deux remarques très contemporaines. Si la nature est une victime qui doit être justement secourue, elle est aussi et surtout une entité inhumaine que nous habitons par effraction, à force d’ingéniosité et de lutte. Dans sa philosophique indifférence aux hommes, elle est d’abord, comme la mer, une force hostile. Il faut la protéger, mais il faut aussi s’en protéger. Elle ne saurait donc, à rebours d’une certaine religiosité écologique, servir de divinité de rechange, qui serait la source d’une nouvelle morale.
Aussi bien l’événement amende une autre prescription d’aujourd’hui : le principe de précaution, qu’on veut étendre sans cesse à toute chose. La précaution consisterait, en l’espèce, à faire évacuer tout de suite les villes les plus menacées ou, à tout le moins, à se lancer dans de dispendieux efforts de sécurité sismique. Ces efforts sont utiles mais ils trouvent leur limite : faut-il évacuer Nice ou Los Angeles ou encore les reconstruire ? Cette priorité terrible mais inévitable nous ramène seulement à la part incompressible de risque que recèle l’humaine condition
Extrait de l’éditorial de Laurent Joffrin dans Libération de ce Mardi 7 Avril 2009.