ELOGE DE LA FIORITURE
“Comme un beau cadre ajoute à la peinture
Bien qu’elle soit d’un pinceau très vanté
Je ne sais quoi d’étrange et d’enchanté
En l’isolant de l’immense nature.
Ainsi bijoux, meubles, métaux, dorure,
S’adaptaient juste à sa rare beauté ;
Rien n’offusquait sa parfaite clarté
Et tout semblait lui servir de bordure.”
Dans le sonnet “Le Cadre”, Baudelaire, assigne au cadre le rôle de bordure, qui isole” et distingue le tableau et lui “ajoute de l’enchanté”. Il “n’offusque pas” (ne ternit pas) à travers cette litote l’auteur dit bien que le cadre “ajoute” de l’éclat.
Il en est ainsi de la fioriture. Il n’y a pas de fioriture en soi, elle n’est jamais essentielle, mais elle touche l’essentiel qui est son “objet”. Elle est une “célébration”, une parure et non l’apparence. Elle ne divertit pas elle est médiatrice. Elle n’est pas spectacle mais “invitation” voire «initiation ». Elle est la ritournelle, territorialisante et consistante telle que la définit Deleuze dans : « Mille plateaux ».
La fioriture c’est le masque du drame antique (porte-voix et illustration expressive des personnages) c’est aussi l’enluminure, la lettrine, la vignette des textes anciens, le blason, le velin de la reliure, la miniature. Il y a dans la fioriture le drapé d’une tenture, la transparence d’un voile, la lumière rasante sur le moiré du satin. Il y a du travail d’orfèvre, de la dentelle et de la broderie. Il y a aussi l’arpège, le fredon et l’appogiature. Il y a le rinceau, la feuille d’acanthe et l’astragale. Il y a les volutes de la calligraphie arabe et le trait de l’idéographie orientale. Il y a aussi l’éloquence et les figures de rhétorique, le grain de la voix et celui du papier. Il y a le cérémonial, la mise en scène … et la cathédrale.
La fioriture n’est pas un art mineur. Là, le flacon importe à l’ivresse et le jardin chante la demeure qu’il entoure. La fioriture est peut être tout simplement, un art de la séduction. Elle peut être sobre sans être pauvre, de cette sobriété qui est de la richesse épurée celle de l’autel ou de la scène modernes. Elle peut être exubérante de la profusion baroque de ce lyrisme qui se garde du clinquant. Préférons le bijou au colifichet et tordons, s’il le faut, le cou à “l’éloquence”. Il ne s’agit ni “d’en jeter” ni “de frimer”, la fioriture sait s’effacer être discrète, en tout cas en “harmonie” avec l’objet qu’elle « montre ». La fioriture requiert de son artisan, de son artiste un goût sûr, un savoir faire affirmé, une grande sensibilité, une intelligence passionnée de son objet … et l’humilité. Un geste qui souligne la parole, discrètement.
Qui n’a connu cette étrange volupté au murmure hésitant du coupe-papier ouvrant les pages d’un livre non-massicoté ! La frise sur le linteau !