Écrire et peindre, un.seul mot signifiait l’un et l’autre dans l’ancienne Égypte, et cela se conçoit, puisque les mots n’étaient pas décomposés en lettres qui soient la transcription des sons, mais représentés par des hiéroglyphes, figuratifs. Il en allait pourtant de même dans la Grèce primitive qui avait un alphabet. Nous ne savons pratiquement rien du divorce qui s’est établi entre la représentation des choses et le nom qu’elles portent. Nous ignorons comment, et nous considérons généralement cela comme un progrès, dans l’écriture c’est l’abstraction qui a vaincu,
L’interprétation du texte démotique de l’Inscription de la Pierre de Rosette par le moyen du texte grec qui l’accompagne, avait montré que les Égyptiens se servaient d’un certain nombre de caractères démotiques auxquels ils avaient attribué la faculté d’exprimer des sons, pour introduire dans leurs textes idéographiques les noms propres et les mots étrangers à la langue égyptienne. On sent facilement l’indispensable nécessité d’une telle institution dans un système d’écriture. idéographique. Les Chinois, qui se servent également d’une écriture idéographique, emploient aussi un procédé tout à-fait semblable et créé pour le même motif.
Il y a chez nous, dans notre Occident alphabétisé comme une nostalgie hiéroglyphique, ou idéographjque. Pourquoi isoler une lettre de l’alphabet, l’historier en initiale déictique ? Pourquoi ces lettres armoriées, ces quasi-idéogrammes au seuil des chapitres , ou comme titre de livre tel le “W ou le souvenir d’enfance”, de Georges Perec ? La siglaison abonde dans ce sens. Il y a, dans le sigle, comme un “trait”. Grâce à son économie graphique, il se trace rapidement, pointe, désigne, marque et souligne. On le graffite, on le tague ou on le dessine d’une main appliquée et précieuse. Grâce à son économie phonique qui ne garde que le saillant des initiales on l’épèle en scansion d’éléments caractéristiques, de traits distinctifs. Grâce à son ambiguïté il peut devenir logo, sarcasme, trait d’esprit. Epigramme.
Appelons scriptologie cette approche de l’écriture alphabétique qui peut servir, en même temps, à des fins pratiques et – dans des arrangements particuliers, émouvants – esthétiques Cette nouvelle écriture, hypergraphique, selon Isidore Isou et le Lettrisme, va également dépasser les emplois utilitaires de la simple notation, pour se constituer, dans des buts exclusifs de recherche esthétique, en éléments inédits d’ ensembles esthétiques visuels. Envisagée sous l’angle formel, l’hypergraphie est l’art basé sur l’organisation de l’ensemble des signes phonétiques (non-conceptuels), lexicaux, idéographiques, acquis ou possibles, existants ou inventés.
Nous avons dans le Percolateur étudié le statut de l’arobase (@ ),l’anté-premiére lettre et de l’esperluette ( & ) la vingt-septième lettre (! ) de notre alphabet et leur relation avec les systèmes idéographique et hiéroglyphique. Nous devrions nous intéresser au X , la 24ème lettre de notre alphabet qui me paraît la plus emblématique du caractère idéographique que nous attribuons à certaines de nos lettres.
Du Phénicien en passant par le Grec, l’Étrusque, au Latin ( où l’on sait son rôle décisif dans l’inscription numérale) le X a conservé sa forme cruciale qui en facilite la lecture et le distingue des “bâtons et des ronds”, piétailles scripturaires ! ! Le X c’est le symbole de l’inconnue en algèbre, qui se généralise par métaphore à l’anonymat et à la rature, le X pointe en l’absence de signature, c’est la coordonnée principale du système cartésien celle des abscisses, le signe de la multiplication et de la pornographie, c’est le nom d’un fameux rayon ! ….Il est un champ sémantique important où le X joue à l’intérieur d’un mot le son rôle idéographique d’évocation de la rencontre, de l’intersection, du carrefour, de la croisée, de la composition… à travers des radicaux text,,, sex, .plex….nex….mix…dext….
La richesse de la question n’est évidemment pas épuisée, la notion d‘écriture expressive, la scriptologie intéressent le Percolateur et tous les passionnés de la recherche et de l’invention.
N.B. On peut souligner ici l’usage important (parfois excessif, souvent talentueux) de la scriptologie, du lettrisme, de l’écriture expressive par les “créatifs” de la communication commerciale : marque, logo, slogan, … Notons aussi que l’outil numérique est naturellement approprié à la “scriptologie” par ses qualités intersectorielles et co-opératives.