Médium n°6. Extrait d’un commentaire de Daniel Bougnoux à propos du livre de Fogel et Patino : “Presse sans Gutenberg” (Grasset) :
“Dans l’ancienne presse, le lecteur affiliait son esprit à celui du journal ;sur le net, la limaille des infos s’organise selon le magnétisme de chaque lecture. En perdant leur tête ou leurs titres, les organes de la presse écrite voient leur corps dépecé et cannibalisé par ce nouveau métamédia qui n’organise pas syntaxiquement ses récits mais procède par accumulation et parataxe.
Cette fonction méta, mise en évidence par l’ouvrage, signifie traditionnellement un niveau plus abstrait, logique ou récapitulatif, un surplomb organisateur. Le journalisme prédateur d’Internet constitue un métamédia au sens où il prend son bien partout chez les autres ; sa tâche n’est pas de produire une information nouvelle, mais de rabattre, de concasser et formater toutes les infos partout disponibles sur des écrans bariolés aux couleurs splashy…”
Toujours dans “Médium” n°6, un extrait d’un article de François-Bernard Huyghe : “Aujourd’hui : Propager”
“Propager s’oppose à diffuser comme transmettre à communiquer, étant entendu que le second terme est la condition nécessaire mais non suffisante du premier. Transmettre ou propager visent à perpétuer un contenu, ce qui implique des institutions et organisations collectives, là où diffuser suppose seulement de faire parvenir une information à des récepteurs. Propager se rattache au verbe latin propagare, “reproduire par provignement” (marcottage, enraciner une tige de vigne qui reste rattachée à la plante-mère) : d’où prolonger, faire durer. Diffuser provient de diffundere, répandre. Ainsi la propagation reproduit et enfouit, quand la diffusion se contente de distribuer.
La propagation d’une onde physique ou acoustique lutte avec l’obstacle d’un milieu : elle le traverse pour s’y diluer après une certaine persistance. En télécommunications, la propagation se heurte à la réflexion, à la diffraction, à l’atténuation ; d’où une distorsion du signal émis qui fini par se perdre. Cette idée de traversée, parfois laborieuse, des éléments et des corps, est commune à toutes les propagations, même celle des maladies épidémiques.
Outre l’obstacle de la distance, une onde mentale doit vaincre la résistance du temps et notamment de l’oubli. Là où diffusion peut-être une simple affaire d’outillage, la propagation suppose des propagateurs,et, dans tous les cas des stratégies.”
MEDIUM : Revue de médiologie de Régis Debray.(ed.BABYLONE).