Dimanche 10 mai 2009. “Dès que, par la dévaluation des valeurs jusqu’ici suprêmes, le monde paraît privé de valeur, quelque chose d’extrême passe au premier plan”. Martin Heidegger, Achèvement de la métaphysique.
Heuristique & Sémiologique
Actu 10/05/09
L’illusion identitaire
L’Occident impose-t-il au reste du monde sa propre définition des droits de l’homme et de la démocratie ? La globalisation menace-t-elle l’identité française ? Le confucianisme est-il vraiment le moteur de la réussite économique de l’Asie ? La culture africaine est-elle compatible avec le multipartisme ? L’islam est-il un obstacle insurmontable à l’intégration des Maghrébins et des Turcs en Europe de l’Ouest ? Autant d’incertitudes, ou plutôt de trop grandes certitudes sur lesquelles nous butons constamment et qui tiennent pour acquise la permanence des cultures.
Or, c’est paradoxalement l’idée même de culture qui nous empêche de saisir la dimension culturelle de l’action politique ou du développement économique. Car la formation de l’Etat met en jeu des conceptions esthétiques et morales ; elle est aussi affaire de pratiques sexuelles, alimentaires, vestimentaires ou pileuses. Au terme d’une pérégrination ironique – et souvent drôle – dans les imaginaires et les passions politiques du monde contemporain, cet ouvrage décapant invite le lecteur à réinventer l’universel démocratique pour mieux s’opposer aux tenants du ” combat identitaire “.
Les conflits qui font l’actualité – les guerres de Yougoslavie, du Caucase, d’Algérie, d’Afrique noire, ou les affrontements communalistes en Inde – tirent leur force meurtrière de la supposition qu’à une prétendue ” identité culturelle ” correspond une ” identité politique “, en réalité tout aussi illusoire. Dans les faits, chacune de ces identités est une construction, souvent récente. Il n’y a pas d’identité ” naturelle ” qui s’imposerait à nous par la force des choses.
Il n’y a que des stratégies et des rêves ou des cauchemars identitaires auxquels nous adhérons parce qu’ils nous enchantent ou nous terrorisent. Mais nous ne sommes pas condamnés à demeurer prisonniers de tels sortilèges. Le ” choc des civilisations ” n’est pas une fatalité.
Extraits de “L’illusion identitaire” de Jean-François Bayart. éd. Fayard. 1996
Actu 06/05/09
Mercredi 06 mai 2009. “Les concepts naissent et meurent. Il y a des concepts qui survivent suffisamment longtemps, et qui, de ce fait, acquièrent un statut spécial d’archétype”. Philippe Quéau ” Éloge de la simulation“. Éditions Champ Vallon. 1986.
Extrait de l’interview d’André de Peretti sur le site “diversifier”
Le refus d’une logique de cloisonnement dans les rapports humains s’est encore alimenté pour moi aux lectures plus récentes de scientifiques et d’épistémologues. Des auteurs tels que Prigogine (La nouvelle alliance), Michel Serres (Les cinq sens), Henri Atlan (Entre le cristal et la fumée, A tort et à raison), Bertrand d’Espagnat (A la recherche du réel, Une incertaine réalité), m’ont invité à penser les phénomènes dans leur diversité, dans l’incertitude aux carrefours des disciplines, sans crainte des moments de rupture ou de “catastrophes” (cf. René Thom). Il fallait intervenir en profondeur pour accroître les rapports sociaux et les interactions entre les personnes.avec Lewin, j’obtenais dans la dynamique de groupe, la confirmation qu’un groupe n’est pas nécessairement un rassemblement d’individus identiques sur une variable quelconque, mais au contraire plus généralement et plus opératoirement peut-être un rassemblement de personnes différentes et cependant inter-dépendantes dans la poursuite de leurs objectifs individuels.
Cette définition, la plus générale et la plus puissante qu’on ait pu donner d’un groupe, est le refus de ce que j’ai appelé le “mythe identitaire”: elle apporte une conception contraire au mythe indo-aryen. Car le piège indo-aryen repose sur l’idée que deux êtres A et B sont ou radicalement identiques ou radicalement différents. S’il y a différence, alors apparaît l’idée d’une exclusion totale, d’une séparation, et donc d’un ordre pur, d’une supériorité et d’une infériorité absolutisée…
L’Hétérogène
Le mot n’a pas toujours bonne presse, pourtant il fait partie des mots clefs du Percolateur. Vous imaginez avec quelle joie je viens de le rencontrer sur la Toile, avec des mots, des concepts, des références, des auteurs qui me sont familiers.
La mondialisation, les changements accélérés de notre époque mettent en contact brusque des représentations ou des réalités, des moeurs ou des cultures. Quel traitement peut-il être apporté aux conflits permanents qui en résultent une homogénéisation forcée, une euphémisation plus ou moins laxiste ? Ou bien une articulation des hétérogénéités, un accueil franc de leurs enchevêtrements baroques ? C’est à une recherche d’équilibre sans concession ni facilité, que s’attachent, en dialogues successifs, deux amis, reliés par une même orientation professionnelle et heuristique la psychosociologie. Les différences de leurs expériences et de leurs styles les aident à échanger selon une dialectisation soutenue et sans cesse infléchie. Ils rebondissent alors en contrepoint des événements sociaux et politiques qui les stimulent, de pensées en pensées, d’auteurs ou de témoins de Paul Valéry à Julien Benda, de Freud à Carl Rogers, de Nietzsche à Leibnitz, de Michel Serres à Edgar Morin, de Teilhard de Chardin à Spengler, sans oublier Claudel, Sartre et quelques autres. Transgressions ou trahisons, concessions ou originalisations en quelle marge peut se situer l’équilibre, cognitif et existentiel, des cultures et de la civilisation nouvelle ?
“Penser l’hétérogène” de “De Peretti, André, Ardoino Jacques, chez Desclée de Brouwer
Actu 03/05/09
Dimanche 3 mai 2009. “L’imagination, l’illumination, la création, sans lesquelles le progrès des sciences n’aurait pas été possible, n’entraient dans la science qu’en catimini : elles n’étaient pas logiquement repérables, et toujours épistémologiquement condamnables.” Edgar Morin “Introduction à la pensée complexe”.ESF 1990, Points-Seuil 2005.
Salaires des patrons, le scandale ! !
Aujourd’hui presque tout le monde en convient : les dirigeants des grandes firmes sont beaucoup trop payés et l’écart fantastique des rémunérations qui s’est creusé au sein des entreprises pose des problèmes non seulement de justice sociale, mais aussi, et de plus en plus, d’efficacité économique. Tant au niveau des entreprises elles-mêmes que de la société dans son ensemble….
Cette construction intellectuelle s’effondre aujourd’hui. L’enrichissement incroyable des dirigeants d’entreprise apparaît de plus en plus comme un accaparement pur et simple de la richesse créée par l’entreprise au profit d’une infime minorité de ses acteurs.
Ils étaient d’autant plus incités à travestir la réalité que la part variable de leur rémunération était devenue plus importante, pesant en général plus de la moitié du total. Et, sur un plan macroéconomique, le type d’incitation mis en place pour leur rémunération a beaucoup concouru à rendre l’économie plus cyclique avec ses enchaînements de bulles et de krachs …
Reste maintenant à inventer les nouveaux modes de rémunération des dirigeants, mais aussi plus généralement le mode de gouvernance des sociétés qui permettra à l’avenir d’éviter ces pièges et de rétablir la cohésion du corps social que constitue une entreprise. Une cohésion non seulement souhaitable moralement, mais aussi indispensable à l’efficacité même de leur activité économique.
Extraits d’un article de Philippe Delvalée. Alternatives Économiques.